Eric DrutelPsychologue du travail, recherche-action, formation, psychologue Lyon7, psychologue, Lyon 69007, analyse de la pratique,2014-06-25T17:02:12+01:00urn:md5:761ae959cf99ff50c111a6e6f61f8580DotclearUne nouvelle revue est née !urn:md5:a893a60049839d6bd18212b47cbafbff2013-11-07T12:07:00+00:002014-02-12T13:57:45+00:00Eric DrutelActualité <p>Bonjour à tous !</p>
<p>Les articles relevant de l'analyse de la pratique et des médiations par les objets techniques seront mis en ligne sur une nouvelle revue, plus adaptée à ce type d'articles et surtout plus ouverte à l'échange ne serait-ce déjà par l'interface plus agréable.</p>
<p>Depuis septembre, vous trouvez en ligne</p>
<pre> "La revue de l'Analyse des Pratiques Professionnelles, Regards croisés" à cette adresse : http://www.analysedepratique.org</pre>
<p>La revue a été fondée en 2013 par Jean Chocat, Eric Drutel, Maryline Luret-Berthon, Philippe Péaud, Patrick Robo, Marc Thiébaud et Yann Vacher.</p>
<p>Buts de la revue</p>
<p>a) apporter à des publics intéressés par l’analyse de pratiques professionnelles des outils théoriques et méthodologiques en ayant une vision multi référentielle et en développant la dynamique de formation à l’analyse de pratiques professionnelles,</p>
<p>b) constituer un corpus de ressources thématiques,</p>
<p>c) faire connaître et développer l’analyse de pratiques professionnelles dans divers milieux : Education, Santé, Travail social, Entreprises, etc.,</p>
<p>d) favoriser différentes utilisations, applications de l’analyse de pratiques professionnelles.</p>
<p>L’analyse de pratiques professionnelles renvoie à des objectifs variés qui peuvent être plus ou moins privilégiés : compréhension, construction et partage de savoirs d’action et professionnels, réflexivité, entraide entre professionnels, constitution d’équipe, aide à la réalisation de projets dans une organisation, développement du savoir analyser, etc.</p>
<p>Thématiques</p>
<p>Tout ce qui tourne autour de l’analyse de pratiques professionnelles de manière générale :</p>
<p>a) les références théoriques</p>
<p>b) les milieux professionnels et contextes d’utilisation</p>
<p>c) les démarches de mise en œuvre, associées à des illustrations et témoignages (animateurs, participants)</p>
<p>d) les défis et problèmes rencontrés tant dans la promotion, la reconnaissance et l’évaluation de l’analyse de pratiques professionnelles qu’au niveau de son éthique, de sa déontologie ainsi que de sa qualité et des compétences requises</p>
<p>e) liens / différenciation avec des champs proches (formation, réseaux de partage de savoir, coaching, supervision, etc.)</p>
<pre></pre>
<p>Types d’articles</p>
<p>Modalités d’analyse de pratiques professionnelles
Expérience pratique
Témoignage
Texte de réflexion en lien avec des pratiques
Texte théorique
Travail de recherche
Synthèse et mise en perspective
Interview – échange (type forum)
Compte-rendu de colloque ou de lecture
Brève (infos, nouvelles)</p>19,27€urn:md5:1d51a48f251cd082117ae7b8d71caf3b2013-09-05T13:54:00+01:002013-09-06T11:23:02+01:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>Devant moi, aussi haut que le plafond le permet, juste devant ma table de travail, une dalle informatique. Noire et plastique, au bout d'un imposant pied d'aluminium. Elle me surplombe lorsque je suis assis à mon poste de travail. Il est midi quand je l'allume. Une journée comme beaucoup d'autres. La joie de retrouver mes vieux collègues; quelques poignées de mains échangées et commence le va et vient incessant de mes yeux sur cet immense écran. Un peu comme la navette d'un métier à tisser, mon regard file à toute vitesse du haut en bas de l'écran décodant chaque ligne, observant chaque image. Je scrute, je mémorise, je m'invente des histoires possibles, je me prépare à mettre en image la vie du monde. Mon corps se tend, je le sens, je suis prêt à travailler. Car on peut me parler, me téléphoner, griffonner un plan de montage, rien n'arrête se mouvement de gauche à droite qui balaye les 12 partitions de l'écran. Ce sont les sources continues du flot des images qui se déverse, depuis le plafond. Sur la partie gauche de l'écran, deuxième rangée, deuxième colonne, les images tournent en boucle jusqu'au prochain envoi. Ainsi un train déraille à répétition, pendant 10mn une star salue son public avec le même geste, une tornade écroule un immeuble qui se redresse aussitôt pour retomber à nouveau.</p>
<pre> Je fais mon travail : je mémorise, j'interprète, je fouille dans le réseau, je charge, je colle, je choque, j'insert, je bouscule, j'habille, je titre, j'envoie.</pre>
<p>Au début j'ai cru à un mauvais rêve, mon corps s'est engourdi d'un coup, mes yeux sont devenus sec. Une image fantôme, la fatigue prématurée ou le petit coup de faim de 15h? Je poursuis mon travail. Mais encore une fois la jeep s'arrête en feu contre un trottoir. Un militaire en sort, titube en état de choc en direction de la caméra. je ne vois pas son visage. Il y a de la poussière, la caméra tremble. il s'écroule, seul dans le cadre de l'image. La caméra fait un gros plan. Sa chevelure noire, son front ensanglanté, ses épaules me font face. Il est la, à même ce sol qui ressemble à une piste. Un sursaut, brusque, violent, le décolle du sol et le pousse un peu sur le coté. Un autre coup de feu le pousse dans le même mouvement. Il ressemble plus à un sac qu'à un combattant. Il est mort, bien mort. Mort depuis quelques minutes déjà mais les sursauts ne cesseront pas tout de suite, hors champ quelqu'un continue, fait feu.</p>
<p>Je voudrai faire comme si je n'avais rien vu. Comme ce matin, quand j'ai passé la tête par le rideau de ma chambre. Le soleil était si intense que j'ai fermé les yeux immédiatement. C"est alors que les paupières closes, je pouvais voir, tout surpris, l'image inversée de la réalité qui m'avait aveuglée. Les immeubles et la rue étaient là en blanc et noir, je les avais vus, saisis, imprimés, mémorises. Pourtant j'aurai juré ne rien avoir aperçu.</p>
<p>Je nous ai regardé ainsi, frappés, mourir sous les balles sans rien pouvoir faire. Il y a 20 ans, j'ai vu la mort en gros plan dans les yeux d'une ménagère protégeant sont fils des balles sur Sniper Alley...</p>
<p>Rassurons-nous, la prochaine guerre se fera sans image.</p>
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<p>Cette vignette pour évoquer la pénibilité du travail sous ces aspects informels, dans les interstices de l'organisation du métier, dans les zones d'incertitudes.</p>
<p>Pour aller plus loin sur la question renouvelée de la pénibilité du travail, je vous propose de vous rendre à :</p>
<pre></pre>
<p>L'association APPORT vous invite à sa prochaine conférence</p>
<p>le samedi 16 novembre 2013</p>
<pre>de 9h00 à 12h00</pre>
<p>Amphi G du Centre de Langues Vivantes,
Campus Universitaire
38400 Saint-Martin-d'Hères</p>
<p><strong>Pénibilité physique, pénibilité mentale: comment la mesurer et la prévenir?</strong></p>
<pre></pre>
<p>De quoi parle-ton?
Que dit la législation?
Quels outils?
Quelles actions?
Explications, témoignages de professionnels, débats</p>
<p>Venez échanger et partager vos connaissances, vos expériences, et vos points de vue sur cette importante question d'actualité.</p>Le sociologue et le magicienurn:md5:46259160d1a77364064d086132835e382013-06-14T10:29:00+01:002013-06-14T10:32:05+01:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>Depuis les années '20, les modes managériales se succèdent sans tout à fait se recouvrir. Si bien que l'actualité "emploi -management" offre des contrastes parfois assez violent. Des vocables ressurgissent pour être à nouveau confrontés aux impasses de notre quotidien de travail.</p>
<p>-"Ecris quelque chose sur la loyauté dans l'entreprise" me demande ce matin mon épouse.</p>
<p>La loyauté et l'entreprise? En voila bien une étrange idée... Qu'est ce qu'y être loyal? La loyauté est l'expression d'un dévouement envers une cause ou une personne assène le dictionnaire. Mais le dévouement n'est pas un devoir. Cette idée d'un engagement des salariés envers une cause de l'entreprise est bien un fantasme managérial de toute puissante et de simplification qui semble ressurgir tous les 20 ans... Les études du Tavistok Institute, les modèles bi-factionnels, les travaux de Lewin, d'Octave Géliner (morale de l'entreprise et destin de la nation 1965) les fondations Bouygues ou Gates se cassent les dents sur la question de fond, qu'est ce qui motive les salariés? A quelle cause les faire adhérer pour vivre cet éden de la loyauté en entreprise?</p>
<p>Dès le premier chapitre de l'acteur et le système, Crozier et Friedberg posent un constat implacable "Nous vivons généralement avec une image tout à fait fausse de l'action organisée"! ... "L'homme garde toujours un minimum de liberté et qu'il ne peut s'empêcher d'utiliser pour battre le système". Max Weber et son l'autorité-rationnelle légale peut aller se rhabiller. En effet, Le travailleur n'est pas qu'une main (Ford, Taylor), une main et coeur ( le mouvement des relations humaines, Tavistok), mais il est "avant tout une tête, c'est-à-dire, une liberté" ose Crozier. On peut reconnaître à Weber d'avoir l'honnêteté de proposer de lire le capitalisme et la pensée de Benjamin Franklin à la lumière de l'éthique protestante. Ainsi, le système bureaucratique qu'il propose est bien celui de son époque, d'un système de pensée par delà l'individu au service d'une vision du monde. Audiard ne s'y trompe pas : « Dans la vie il y a deux expédients à n’utiliser qu’en dernière instance : le cyanure ou la loyauté. » fait-il dire au Gentleman D'Epsom. Plus près de nous, François Dupuy dans "La fatigue des élites" nous décrit avec précision la mise à mal de cette loyauté des cadres par les concepts de l'économie moderne et la guerre économique... "Continuer à faire croire que les cadres, par ce qu'ils sont cadres, comprennent et défendent naturellement les intérets de l'entreprise, au besoin contre leurs propres intérêts, est au mieux une approximation, au pire une supercherie intellectuelle(p87)" écrit-il.
Sainsaulieu(1977) défiche pourtant quelque chose en parlant du système bureaucratique : "Cela ne suffit pas à assurer la stabilité de l’organisation... il faut le charisme d’un chef... et une place assignée à chacun par la tradition du métier".</p>
<p>Le métier, la tradition du métier ! Par ce qu'elle croise deux approches, une qualitative, sur la question prise au sérieux du travail bien fait, l'autre de régulation par l'intérêt pour les controverses collectives et l'acceptation renouvelée du système d'action concret. La question du dévouement , du zèle dans l'entreprise se pose toujours mais en restant du coté de la vie. Voie exigeante qui engage la confiance de part et d'autre de l'organigramme fonctionnel de l'entreprise mais sans angélisme. Il n'y jamais eu d'âge d'or de la contestation ouvrière pas plus que que de martingale gestionnaire. Pour notre part, nous avons toujours le souci de promouvoir la voie du collectif et de l'élaboration sur le métier.</p>
<p>Pourtant la tentation est grande, malgré les millions de mots, de céder à une vision simpliste du travail humain. Dans le point 2111 du 28 février 2013, l'article de Baudouin Eschapasse sur les formations à la magie dans l'entreprise "la magie fait un tour dans l'entreprise"constate que les formations à la magie se portent bien. Il donne l'exemple d'un ancien centralien devenu magicien après un bref parcours d'ingénieur (!) dont la formation "influence et perception" conduit les participants à s'interroger sur les méthodes de l'hypnose ericksonienne. Et B.Eschapasse de conclure son article en parlant des techniques des illusionnistes, de la communication non verbale ou de l'hypnose eriksonienne "Autant d'outils qui confèrent à ceux qui les maîtrisent un atout au sein de l'entreprise".</p>Psychologue du travail aujourd'hui? Autour du thème de la transmission du métierurn:md5:c49186a8505960600130a9ff66cfec7d2013-01-17T10:28:00+00:002013-01-17T15:58:33+00:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>L'échange avec des pairs mis à mal lors de séances difficiles d'analyse de la pratique ainsi que l'accompagnement d'une étudiante en fin de cursus de psychologie du travail m'ont convoqué à répondre à la question du métier.
Répondre à la question du métier pour soi ou un groupe de professionnel en analyse de pratique oblige à venir croiser, dans le temps de l'échange, les dimensions personnelles,impersonnelles, interpersonnelles et transpersonnelles. Je ferai donc ici moi aussi des croisements qui ont vocations à proposer ma réponse à la question que se posent étudiants (et professionnels), celle de s'y retrouver dans le métier, voir même, "d'y croire".</p>
<p>La présentation du DVD de Marc Bonnet "Cheminement en psychanalyse", ma participation à un jury de psychologue du travail et le remarquable ouvrage d'Yves Clot "le travail à coeur - Pour en finir avec les risques psychosociaux" sont devant moi sur ma table de travail m'invitent proposer rapidement ces quelques croisements. Des croisements entre trois métiers exposés dans leurs artefacts: psychanalyste (un DVD), enseignant (un mémoire de fin d'étude) et psychologue du travail (un manifeste). Je suis saisi par les correspondances, comme si l'engagement à toujours remettre l'ouvrage sur le métier, a chercher l'émergence du sujet, à lui offrir de se contempler dans le produit de son travail exigeait de s'engager sur les mêmes voies. Même si les objets d'études ne sont pas les mêmes (la maladie psychique, l'activité de travail) je retrouve le même engagement du déchiffrage pas à pas et du refus de laisser des questions en jachère.</p>
<p>C'est sans doute, la vidéo de Marc Bonnet qui m'a poussé à faire ce post tant il insiste sur l'importance d'une lutte contre l'hygiénisme. Un hygiénisme de la pensée qui se traduit par la sélection des apprenants dans les sociétés analytiques , les manuels d'inventaire des pathologies et des cliniques et enfin les modalités figées d'analyse des pratiques des analystes. Refuser ces écueils normatifs devient alors une pratique qui s'incarne dans des exigences d'une métier-apprentissage sans fin : entretenir des controverses professionnelles et en accepter le prix, ouvrir le métier à la pluralité des parcours, se placer dans un processus permanent d'apprentissage.</p>
<p>C'est sous la plume d'Yves Clot depuis toujours en lutte contre "les lignes Maginaux de la santé au travail que sont les versions autorisées et les discours convenus" que j'en résumerai les enjeux "L'un des principaux acquis du genre clinique que nous faisons, quand on parvient à tenir bon sur le cadre, c'est que la qualité du travail au contact du Réel est par nature, définitivement discutable".</p>
<p>Trouver du plaisir donc, dans le déplaisir d'un travail de redéfinition jamais achevé du travail bien fait nous place au contact des histoires transmises, des anecdotes, des rapports aux outils... et parfois d'une certaine haine car comme le note Joubert "l'héritage est un double mouvement de soumission et d'appropriation". La question du genre professionnel, de l'appartenance à un héritage, de la dimension transpersonnelle du métier impose le double mouvement de reproduire et de se reconnaitre dans les instrumentations réalisées.</p>
<p>Les controverses professionnelles convoquent l'histoire , les histoires en mobilisant des dimensions qui ne se recouvrent pas: l'activité, la tâche, le groupe. Des processus spécifiques, articulés et non superposables, "espaces du sujet, des liens interactifs, et espace du groupe" souligne Kaës.</p>
<p>C'est dans la production d'outils, d'artefacts qu'avec Rabardel nous trouvons un soutient à notre clinique par la définition d'un continuum d'une activité qui transforme le rapport des sujets au monde et en conditionne le développement. En refermant chacune de nos rencontres avec les travailleurs par la question des règles de métier construites ( ou à venir) lors de notre rencontre, nous cherchons à l'opposé de la prescription, à maintenir un pouvoir d'agir sur le contexte de travail. Il ne s'agit pas de pédagogie, mais plutôt d'un travail associatif, de représentations et de symbolisation ou tous les membres de l'équipe sont convoquées. Ce n'est pas la précision des mots qui importe mais celle des situations évoquées, rapportées. Cet engagement dans 'l'analyse minutieuse des événements convoqués nous impose un cadre ou tous les participants détiennent une partie du savoir. L'objectif étant de travailler le dispositif méthodologique convoqués par tous les participants (moi y compris) présents et contribuer à le développer et de maintenir son efficience.
Car nous reconnaissons avec Kostulki "que ce qui use ou rend malade dans le travail, ce n'est pas d'avoir beaucoup de travail mais de pouvoir le réaliser de façon acceptable". Ce que Clot résume "nous ne sommes guère adaptés, contrairement aux apparences, à seulement vivre dans un contexte. Nous sommes plutôts faits pour fabriquer du contexte pour vivre."</p>
<pre></pre>
<p>"Le métier de Psychologue du Travail trouve sans doute là son lest : donner l'occasion à ceux qui travaille de montre à nouveau ce dont ils sont capables quand ils ont si souvent dû y renoncer, sinon sous les formes factices du conformisme organisationnel" Ainsi, "Le travail bien fait, par définition discutable mérite bien cet effet de refondation".</p>
<p>Refermons ce billet avec quelques mots de Bonnet " Pour être un humain, il est important d'etre engagé. Un humain non engagé à s'engager est un humain qui ne peut pas survivre"... Le travail bien fait exige alors qu'on construise et qu'on entretienne un espace vivant ou on peut soutenir l'effraction de la parole du collègue, du pair "quand on se parle en vérité avec quelqu'un, c'est pas vraiment cool... et on aimerait que ses collègues soient tout gentil tout doux en permanence... on devrait travailler à supporter un travail actif entre nous".</p>
<p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/.travailAcoeur_m.jpg" alt="Travail à coeur" style="display:block; margin:0 auto;" title="Travail à coeur, janv. 2013" /></p>Le retour aux mots sauvagesurn:md5:f46acf5a28be9d25a146978f16fe3a052012-10-07T11:46:00+01:002012-10-07T17:06:22+01:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>"Ce métier est le combat de la bouche contre la main, il faut se méfier du silence, ne jamais laisser ses mâchoires au repos"</p>
<p>Le roman de Thierry Beinstingel nous plonge dans l'univers des plateaux d'appel téléphoniques. Ce bouquin se joue des poncifs sur les écueils de la reconversion professionnelle comme il déjoue les pièges qui attendent ceux qui se risquent à l'analyse du travail de terrains trop souvent caricaturés. On pourrait presque, dans les premières pages, se désoler des situations qu'il présente tant elles frôlent la caricature : le parcours initiatique d'un électricien industriel obligé de délaisser le tournevis et le testeur pour la souris et le micro-casque d'un plateau d'appel.</p>
<p>A priori rien de neuf. Cependant...Le jeu entre le script d'appel et la trame romanesque nous fait <ins>éprouver</ins> la difficulté de réaliser la tâche exigée par l'organisation du travail, au risque d'y laisser sa peau. Du coup, Beinstingel nous embarque dans les tentatives de celui qui tente de faire face avec tous les moyens du bord à ce que l'on attend de lui. Le métier du nouveau se construit peu à peu en bordure du cadre, dans l'errance entre la culture du chiffre et les tricheries qui vont lui permettre de se reconnaître dans le produit de son travail.
Car pour celui qui regarde sa main d'ouvrier devenir de plus en plus pâle et mole posée comme une méduse sur la souris, la lutte est sévère et couteuse.</p>
<pre></pre>
<p>Qui de la main ou de la langue va gagner?</p>
<p>Le ring est immense : les relations avec la hiérarchie, les clients, la famille, les anciens collègues, la boulangère, les victimes du systèmes... Tous viennent percuter le nouveau dans sa trajectoire à priori sans histoire, de sa reconversion professionnelle. Le nouveau doit apprendre à nager au milieu des drames humains, de ces suicides qui s'étalent dans la presse et le surplombent un peu plus chaque jour. Tenter de comprendre pour s'éviter le geste fatal, la défenestration, le mot sur la table de la cuisine, je me suicide à cause de mon travail.</p>
<p>Le nouveau ne trouvera pas non plus de repos, le soir, devant les séries TV ou le corps exhibé d'un brulé le confrontera à ces propres enjeux de son apprentissage de métier :</p>
<pre> "Y a t-il une relation, d'un coté, entre l'exposition criarde, manifeste, voulue de la mort et l'entente sereine d'une équipe au boulot?"</pre>
<p>Pour chacun d'entre nous qui souhaitons accompagner des personnes dans une reconversion professionnelle, il est une sorte de guide de voyage intérieur pour ne jamais oublier les périls et les aménagements parfois contre la norme que réalise celui qu'on accompagne pour réussir l'équilibre toujours remis en jeu de la santé au travail.
Parce qu'il finit bien, ce roman au style brutal comme un script de vente par téléphone, nous invite à ne jamais rien lâcher. Les voies que le nouveau se dégagera c'est la vie qui s'écoule à nouveau dans les interstices du social. Liberté faite de petites victoires conquises de haute lutte et savourées comme un trésor. La vie trouvera son chemin dans la foulée régulière d'un marathon ou l'aide offerte à un anonyme de l'autre coté du combiné.</p>
<p>Ce livre donne la pêche car il démontre encore une fois la nécessité de comprendre le travail comme l'art de la ruse, de l'ingéniosité pragmatique, du plaisir à la transgression nécessaire non pas pour saboter mais pour construire ensemble quelque chose de beau et d'utile en quoi se reconnaître. Retrouver le travail humain, le geste qui humanise et construit le soi.</p>
<p>Sinon...</p>
<p>Pour l'étudiant en psychologie sociale, il décrit avec une rare finesse le fonctionnement du groupe, les mécanismes de régulations, les motivations et attitudes. Pour l'étudiant en psychologie du travail, on trouvera grand intérêt à décoder les équilibres psychodynamiques que le héros construit avec plus ou moins de bonheur.</p>
<pre> "Le monde? Faire avec, vivre autour, s'abandonner aux mots sauvages"</pre>
<p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/.1609258311_m.jpg" alt="Retour aux mots sauvages" style="display:block; margin:0 auto;" title="Retour aux mots sauvages, oct. 2012" /></p>L'éthique au travail : quelles formes de contrôles?urn:md5:d53d56c4a690dc09fd7a5f26ef48af2d2012-08-02T11:35:00+01:002012-08-02T10:50:01+01:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>Le nouveau décret sur le harcèlement sexuel à paraitre renouvèle l'opportunité d'aborder la question de la qualité de vie au travail à travers la promotion des modèles de comportements formalisés par les organisations du travail. De nombreux leviers sont mobilisés par entreprises ou les institutions : Charte Ethique, règlement de bonne conduite. Ces "infrastructures de l'éthique" (Begin 2012) visent à coordonner des actions collectives pour assurer le confort des travailleurs en cherchant une conformité d'actions tournées vers l'extérieur (la relation client, conformité des produits) et/ou vers l'intérieur de l'organisation ( modèles de comportements promus par la culture organisationnelle, les chartes et les codes).</p>
<p>Le travail de Luc Begin de l'université Laval pose donc avec actualité la question de l'institutionnalisation de l'éthique. Le chercheur remarque que "si toutes les mesures font références à l'éthiques elles n'obéissent pas pour autant aux mêmes finalités, ni à la même compréhension de ce qu'est l'éthique au travail" (Begin 2012).</p>
<p>Ainsi son approche permet de distinguer deux grandes orientations : l'une mettant en place un modèle de conformité à la norme, l'autre privilégiant un modèle de valeurs partagées. Ces deux orientations définissent ce que l'on attend des travailleurs et surtout le degré d'autonomie qu'on leur laisse : suivre la norme ou s'auto-déterminer par rapport à des recommandations.</p>
<p>Il y a là deux modèle assez différents qui mobilisent soit des éléments coercitifs soit l'émergence d'un modèle d'identification, d'identité de métier au travers de valeurs partagées. Les modèles de contrôles qui vont êtres mis en place vont répondre soit à un modèle coercitif, soit à un modèle de contrôle habilitant.</p>
<p>Luc Begin, dans sa communication à l'AIPTFL 2012 de Lyon explicite ce constat en distinguant les modalités coercitives ou habilitantes et ses incidences sur le conditionnement des travailleurs, le rapport aux règles, les modes d'accompagnement aux personnels.</p>
<p>Ainsi pour le modèle coercitif, l'organisation cherche la conformité des agents à la norme : le conditionnement se fera par le respect de devoirs et d'obligations dont le levier sera la surveillance et la punitions d'individus mobilisés par la crainte des sanctions.
De l'autre, le contrôle habilitant vise à aider les acteurs à déterminer leurs actions en s'engageant envers des valeurs partagées formalisées par des "balises"(Begin 2012) du jugement en situation promues par des actions de préventions, de soutient, de mise en "emphase" des compétences éthiques des personnes aux travail.</p>
<p>Ces orientations relèvent de logiques complètement contradictoires alors qu'elles répondent toutes deux à des "infrastructures de l'éthique".</p>
<pre> "On assiste en effet très souvent à une mixité des références à l'éthiques comme si les deux grandes orientations d'éthique organisationnelle étaient aisément compatibles, tant en théorie qu'en pratiques" (Begin 2012).</pre>
<p>Face à ce constat statistique qui montre d'après son étude que 92% des actions répondent à une logique de conformité, on peut se poser la question des effets d'une telle confusion pour les membres des organisations : travailleurs, évaluateurs.</p>
<p>La question de l'éthique devient alors impossible à traiter!</p>
<p>Notons la pertinence Luc Begin qui attire notre attention sur la confusion, voir la cohabitation contradictoire d'injonctions au sein d'une même démarche. Les exemples sont nombreux et accessibles par les chartes éthiques internet des organisations du travail ou les nouvelles recommandations des sociétés d'évaluation... A y regarder de plus près, quelles sont les possibilités de traiter la question de l'éthique en soutenant la cohabitation paradoxale de deux injonctions répondant à des logiques si contraires?</p>
<p>La logique économique recherchant une efficience trompeuse des actions de consultants fera la promotion de référentiels pré-établis et de contrôle coercitifs imposants à tous les temps de l'intervention : contrôle gestionnaire, utilisation de référentiels rigides et promotions de livrables formatés. Rassurant à la fois le client et le consultant, cette cohabitation d'instruments répondant à des logiques opposées évacue ce qu'elle se proposait de traiter.</p>
<p>Pour ne donner qu'un exemple, il sera illusoire d'attendre des travailleurs une appropriation, un engagement envers des valeurs partagées qui viennent soutenir un travail qui valorise et soutient la création de compétences éthiques en les soumettant à la contrainte de projets de services obscures ou d'évaluations sommatives construites en amont par une lecture gestionnaire de l'organisation.</p>
<p>Pour poursuivre :
http://www.reoq.ca/wp-content/themes/theme1070/doc/rapport_mai_2010.pdf</p>Syrie : Penser la guerre?urn:md5:40d7aeac376bbd12f8ed30628feea1b02012-07-04T12:00:00+01:002012-07-04T14:39:08+01:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>Chaque bulletin d'information du matin égrène le nombre de mort, les tortures, les familles brisées, les villes éventrées comme, par exemple Homs ou Mazraat.
Je ne dois pas être le seul à écouter dans la stupeur les récits des proches ou être confronté aux images de corps mis en pièces (pour ceux qui peuvent comme moi avoir accès aux sources d'images) ou des enfants arrachés aux décombres des immeubles en ruines. Ban Ki-moon (Le Monde 8/6/2012" résume bien la situation : Le peuple syrien saigne. Il est en colère. Il veut la paix et la dignité. Et avant tout, il veut de l'action" car des "terroristes tirent parti du chaos".</p>
<p>Plus que jamais, la tension entre la violence des images et la complexité de la réponse politique nous interroge sur les mécanismes de symbolisations et de représentation de cette expérience terrifiante de la guerre. Nous ne pouvons qu'être surpris du décalage entre l'intense activité diplomatique et le peu d'action de cessez le feu sur le terrain. La question se pose, chaque jour plus forte, de l'action ici et là-bas.</p>
<p>Si Bernard-Henri Levy déclare que "La communauté internationale n'intervient jamais nulle part. Jamais. Et la Libye fut, non la règle, mais l'exception. Alors, pourquoi l'exception ne se répète-t-elle pas en Syrie? Parce que la loi du grand sommeil a repris ses droits." (Parisien 7/7/2012) n'est ce pas pour poser la question de l'individu et l'action politique face à la souffrance et à l'idée de justice ?
Peut-il y avoir une guerre juste? Un conflit juste?</p>
<p>Quand BHL évoque le "grand sommeil" ne décrit-il pas le statu quo sur lequel trébuche l'ONU? Michel Foucault explicitait ce phénomène quand il évoquait les découvertes de la médecine à travers son histoire des sciences. Il ne s'agit pas dans l'histoire des sciences du nombre de variables disponibles ( pour notre question, du nombre d'observateurs de l'ONU et de caméra amateur) mais des représentations collectives ( symbolisations, règles sociales, culture) qui permettent de faire certains croisements et d'accéder à une nouvelle connaissance. Devons nous comprendre que ce n'est pas le manque d'information qui ne parvient pas réveiller le monde, mais une organisation collective de la pensée qui va donner accès à la création de solutions ou les bloquer ? Malgré la souffrance des corps, la peur qui contamine un pays, ne devons nous pas nous engager dans une guerre des symboles? Parce que le double mouvement qui s'engage alors dans l'instrumentation de la lutte politique exige un double mouvement, à la fois vers le récepteur mais aussi vers le producteur? Ne faut-il pas découvrir les grilles de l'autre et s'y adapter?</p>
<p>Placer l'analyse du conflit sur le champ du politique ne peut pas beaucoup nous aider à penser la guerre. Nous l'éprouvons chaque jour par la pénible attente d'une issue à ce conflit. Foucault nous rappelle que les possibilités de connaissance sont toujours organisées dans un état par les institutions : police, armée, administration et appareil de l'état. Ces institutions, par des moyens coercitifs puissants, instaurent les savoirs sous forme de règles incontournables qu'elles placent comme hors du temps, pour ne pouvoir être discutées. Le jeu politique, par des déplacements de sens crée de nouvelles représentations sociales qui structurent de nouveaux groupes en définissant des nouveaux critères discriminants. Ne nous faut-il pas attendre qu'au faire et à mesure des rencontres et conférences politiques sur l'avenir de la Syrie qu'une recomposition des forces offre le terrain propice à la connaissance et à l'élaboration d'une solution?</p>
<p>Foucault en paraphrasant Spinoza disait "Le prolétariat ne fait pas la guerre à la classe dirigeante parce qu'elle est juste. Le prolétariat fait la guerre à la classe dirigeante parce que pour la première fois dans l'histoire il veut prendre le pouvoir. Et parce qu'il veut renverser le pouvoir de la classe dirigeante, il considère que cette guerre est juste" (Citation issue du débat entre Chomsky et Foucault en 77 ). Cette lecture de l'histoire des connaissance explicite bien les raisons de ce "grand sommeil". Ainsi pour Serguei Lavrov la participation de 150 pays à cette conférence “ne permettrait pas d’avoir des discussions sérieuses sur une solution en Syrie. Après le début du processus de Genève, une réunion comme celle de Paris n’est plus utile”. Même idée relayée par la presse officielle syrienne pour laquelle Genère est un échec car le processus n’est “pas basé sur l’avis du peuple syrien”.</p>
<p>En attendant que s'élabore sur terrain un symbole fort, ou une combinaison politique favorable à de nouvelles perceptions de solutions possible, nous faut-il nous résoudre à attendre? Plus de 16.500 personnes ont perdu la vie depuis mars 2011: dont 11.500 civils, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.</p>Les pratiques comme objet d'analyseurn:md5:690dae065456535baadc24fc986867ae2012-06-21T11:36:00+01:002013-01-17T15:48:43+00:00Eric DrutelRetour de terrain <p>L'analyse de la pratique est à la mode, et pour beaucoup de raisons, c'est une bonne chose. A condition de ne pas tomber dans les lieux commun de bonnes pratiques, d'une pensée commune sur le travail instituée, ce qu'Yves Clot appelle la "Ligne Maginot" du travail, il y a beaucoup de bénéfice à construire des lieux de controverse professionnelle.</p>
<p>Une réunion publique à laquelle des collègues et moi avons assisté faisait cette semaine, salle comble. Nous avons apprécié de voir que cette thématique de "la pratique" convoque autant de monde. Mais nous étions interpelé sur le risque que "de pratique" elle devienne "la bonne pratique", dans le sens ou elle se détacherait de l'héritage et du contexte de la production d'un savoir collectif sur le métier.</p>
<p>C'est peut-être, alors, la difficulté d'en faire la démonstration en dehors d'un contexte réel de travail qui nous laissa sur notre faim. En sortant, mes collègues psychologues du travail nous désolions alors de n'avoir pas entendu une parole sur le cadre du métier, les règles de métier, le rapport entre pensée et langage, les cadres théoriques mobilisés.
Le risque serait grand que tout se passe comme si l'analyse de la pratique était le nouveau remède miracle, la colle qui ferait tenir la collection d'individus en un collectif de travailleurs. Le management désastreux des 30 dernières années enseignait sur fond de guerre économique, aux salariés à commettre des injustices (Dejours). Charge à eux maintenant, d'intérioriser un monde du travail idéal ou la puissance de l'analyse sauvage fera sauter toutes les résistances. Ne sommes nous pas en train de construire une nouvelle illusion , entretenant encore et toujours ce que Ferenczi appelle "une cécité introspective"?</p>
<p>Ce genre de soirée offre au plus grand nombre de se faire une petite idée de ce qui est mis en chantier dans un tel dispositif mais laisse de nombreuses questions en suspend. Ce matin, je me re-posais la question, répondant dans l'après coup à mon malaise de spectateur : la reformulation est-elle une interprétation? Pourquoi l'animateur s'engage t-il dans cette voie? Quels sont les effets du langage? Quelles sont les "choses" que le groupe construit dans ses tentatives de symbolisations ? Que faire de ces histoires de souffrance partagées? Comment outiller le groupe qui s'engage dans cette voie de l'analyse des pratiques professionnelle?</p>
<p>L'analyse de la pratique est un outil de développement du métier à l'usage du professionnel quand l'articulation entre le lien humain et la technique questionne. Il s'agit pour les éducateurs, formateurs, psychologues, enseignants, tuteurs, médecin d'apprendre à se désempêguer avec l'Autre. Se débrouiller avec ces liens qui nous collent aux pattes tout en se retrouvant entre professionnels dans une représentation du métier qui soit efficace pour le travail. L'analyse de la pratique est aussi une fonction contenante.</p>
<p>Bien sur, l'analyse de la pratique peut s'ouvrir à des métier plus vastes que les métiers du lien à condition de toujours intercaler l'activité entre la personne et le groupe. L'activité c'est le geste le choisi au regard d'un répertoire de possibles que le collectif propose au sujet pour qu'il puisse s'en sortir dans ce qui doit être fait... Ce qui implique un questionnement du groupe au regard de la prise d'informations, une forme de maïeutique.</p>
<p>Del'activité à l'activité réflexive, l'analyse de la pratique peut servir de levier de formation, de montée en compétences, d'analyse des transferts, d'analyse institutionnelle, de régulation d'équipe, d'apprentissage au management... à condition de se poser la question du cadre dans ce qui constitue comme limite et qu'il rend possible.</p>
<p>Deux citations dans les nombreux ouvrages disponibles sur l'app</p>
<pre> Dewey "Aucune pensée, aucune idée ne peut être communiquée en tant qu'idée par une personne à une autre personne. Quand elle est dite, elle est, pour la personne à qui elle est dite, un fait donné comme les autres, non une idée. La communication peut conduire l'autre personne à se poser elle-même la question et à imaginer une idée semblable... C'est seulement lorsqu'elle est aux prises avec les données du problème, en cherchant et en trouvant elle-même le moyen de s'en sortir qu'elle pense" ( 1975 p195).</pre>
<pre> Tosquelles "Le travail comporte, d'une part, des types particuliers de coupure, de division, de partage, et de distribution des taches entre des partenaires présents et absents. D'autre part le travail fait surgir des conflits, leur fournit l'occasion d'une manifestation socialisée et exprimable...au dépassement et aux changements de plans où ces conflits peuvent prendre racine et se manifester" Tosquelles cité par Clot 2008.</pre>
<p>Enfin, une note de synthèse remarquable sur l'Analyse de la pratique est disponible dans la Revue Française de Pédagogie, n° 138, janvier-février-mars 2002, 135-170 "les pratiques comme objet d'analyse" Marcel, Orly &al</p>Analyse de la pratique, psychanalyse et représentations collectivesurn:md5:ec021b1e57a0d67e5ba748d4b17ee6e32012-05-15T08:28:00+01:002012-05-15T10:25:40+01:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>L'analyse de la pratique en institution exige du psychologue de faire des liens entre les mécanismes psychiques qui agissent l'équipe et les réponses qu'un métier partagé autorise. Il est intéressant de repérer comment le collectif pense les situations vécues, c'est à dire, les représente. Ensuite, d'envisager quelle sont les voies utilisées pour un retour sur le terrain.</p>
<p>Françoise Feder(2006), dans "Traitement institutionnel et processus psychanalytique : le travail du psychanalyste à l'écoute du matériel institutionnel" envisage des éléments de réponse dans le champ psychanalytique par l'étude des contre-transferts . Il ne peut y avoir d'élaboration de groupe sur la dynamique institutionnelle que par des réunions interprétatives ayant pour objet "l'interprétation du transfert verbalisé au patient" expose Feder. Travail de perlarboration qui engage le psychologue tout comme les membre professionnels, il vise à créer de nouvelles modalités d'échanges en tissant des liens entre une situation éprouvée, le passé des relations au patient, ainsi qu'en distinguant les itérations.</p>
<p>Le travailleur social, l'accompagnant joue alors le double rôle d'outil de la pensée et d'agent de développement tout à la fois. Feder(2006), montre que c'est le professionnel engagé dans une élaboration de son contre-transfert qui révèle et renouvelle les conflictualités à l'oeuvre. Ainsi, par des insights il comprend ce qui l'agit et envisage, dans l'espace et le temps de la pensée collective, de nouvelles modalité d'échanges avec le patient.</p>
<p>Ce travail nous invite à renouveler de nombreuses question sur l'analyse de la pratique :</p>
<p>La nécessité de produire des traces de l'activité pour conduire à une analyse des situations de travail? Dans le travail de Feder, l'usage de la vidéo vient à point nommé pour provoquer un choc. Cependant l'usage des outils de captations son ou vidéo pose de vastes question d'énnonciation ( cadrage, langage des images, du montages) et de droit des personnes ( intimité, archivage, discours).
La production d'un discours situé peut être provoquée par des consignes du SOSIE (Clot 2008), l'entretien d'expliciation (Vermersh 2006) , les controverses de métier par les outils ou l'activité instrumentée ( Drutel 2008, 2012) permettant de contourner ces impossibilités tout en déclenchant par les échanges dialogiques le développement des locuteurs et du collectif.</p>
<p>Mais ces artifices renouvèlent la question du collectif de travail pour le psychologue : comment pense le groupe? Je pense qu'à travers la question de l'usage de la psychanalyse, c'est bien la question de la représentation sociale qui est posée par Feder qui cherche à identifier des processus à l'oeuvre en faisant l'hypothèse que les conflictualités propres à l'individu se retrouvent dans les conflictualités du collectif ( Dubosq et Clot 2010).</p>
<p>D'autres auteurs nous alertent sur ce phénomène. La lecture des travaux de Jodelet ou Moscovici nous permettent de poser un premier repère. Chaque fois qu'un événement survient, il génère une rupture (de l'ordre des choses) éprouvée par celui qui en fait l'expérience. Pour être communiqué, il faut faire appel au sens : l'éprouvé corporel mais aussi les outils symboliques stabilisés dans une société. Ainsi chaque fois qu'un savoir est généré, il devient une partie de la vie collective (Moscovici 2009). Le collectif dispose alors d'un répertoire d'événement représentés qu'il peut mobiliser en situation de travail (Clot sur le genre). Cela nous permet, avec Dejours d'envisager le rapport collectif au travail sous l'aspect de la ressource et non du manque : l'acte traditionnel efficace.</p>
<p>Mais, nous avons toujours à résoudre la question de comment pense le groupe. On comprend déjà que les connaissances qui entrent dans le domaine commun révèlent une autre structure que la démarche scientifique qui repose sur un système. Il s'agit plutôt de la construction de représentations de la réalité organisée en un réseau cohérent (Moscovici 2009).
D'ou l'intérêt de se focaliser sur la communication entre les membres du collectif faisant que quelque chose se travaille pour être transmissible et utilisable. De faire en sorte qu'éprouvés et sentiment convergent vers quelque chose d'individuel qui peut devenir social.</p>
<p>Ce qui devient intéressant pour le psychologue, c'est alors de comprendre comment on fabrique quelque chose de nouveau. Le milieu professionnel est un milieu qui change, dynamique, sans cesse en renouvèlement mais qui ne peut se réaliser sans stabiliser pour un temps des savoirs. C'est la connaissance (ce que l'on retient des savoirs) qui va permettre le travail collaboratif.</p>
<p>Dans le cadre d'une démarche d'analyse de la pratique, n'y a t il pas dans la formulation et le contenu des questions du groupe vers le sujet analysant, à repérer les instruments mobilisés (culture, symbolisation, mémoire, concepts théoriques) pour comprendre d'une manière renouvelée comment l'institution organise sa réalité et offre ou contraint ces usagers, malades et soignants?</p>Travail intellectuel et usage du corpsurn:md5:8c1a63578cba3016211e7133f75267ce2011-11-09T10:56:00+00:002011-11-09T11:07:58+00:00Eric DrutelCarnets de route (blog) : <p>Haruki Murakami, en 2007 écrit un livre témoignage sur son activité quotidienne de coureur. Son "Autoportrait de l'auteur en coureur de fond" ( Murakami 2009) tisse des passerelles entre l'activité d'écriture et celle de la course de fond.</p>
<p>Nous y voyons une illustration littéraire rafraîchissante sur l'activité, le geste, l'engagement du corps dans le métier. Cet ouvrage revisite sous l'aspect d'un témoignage intime et émouvant les liens permanents entre activité intellectuelle et contrainte du corps.</p>
<p>Les extraits que je vous propose peuvent nous éclairer sur les approches collectives du traitement des TMS, les travaux de Clot et Fernandez (Clot et Fernandez 2005) sur les stratégies d'opérateurs.</p>
<p>Retrouvons Murakami...</p>
<p>La course est une expérience paradoxale : on court pour faire le vide et dans le même temps être plus présent au monde. Je cours moi aussi trois fois par semaine et l'expérience se renouvelle à chaque fois : courir est une fuite hors de soi pour au final s'y retrouver. La course à pied pour quelle soit supportable invite de sportif à réaliser un équilibre psychodynamique (Dejours 2000) fait de rituels, de violence physique et de contrôle psychique.</p>
<p>Courir ouvre l'esprit et endurci le corps, parce que, comme tout homme qui apprend un métier, le talent n'est rien sans la persévérance. Le travail d'écriture comme tout métier relève d'une Métis, une intelligence de la pratique qui engage le corps et l'esprit dans un dialogue sans cesse renouvelé. Murakami explique lors d'une interview que le talent est peu de chose sans l'apprentissage de la concentration, de l'astreinte quotidienne à sa table, de la capacité à tenir la distance. C'est à ce prix que l'on devient écrivain que le métier rentre dans le corps.</p>
<p>Extraits :</p>
<p>"On apprend naturellement concentration et persévérance quand on s'assoit chaque jour à sa table et qu'on s'exerce à se mobiliser sur une question. Un travail très semblable à l'entraînement musculaire... on doit sans cesse transmettre l'objet de sa concentration à son corps, on doit être certain que ce dernier a profondément assimilé l'information nécessaire afin de pouvoir écrire quotidiennement... et se concentrer sur le travail en cours. Et progressivement on étend les limites de ses capacités...Chandler a un jour avoué... qu'il s'obligeait à s'asseoir à sa table chaque jour sans exception, un certain nombre d'heures, et à demeurer là, seul, la conscience en éveil... Grâce à ce dressage sévère, Chandler se donnait la force musculaire nécessaire à son travail d'écrivain professionnel et renforçait tranquillement sa volonté... Pour moi, écrire des romans est fondamentalement un travail physique... Un fois que vous essayez de vous y atteler, vous comprenez très vite que ce n'est pas une mission aussi paisible qu'il y paraît. Le processus tout entier - s'asseoir à sa table, focaliser son esprit à la manière d'un rayon laser, imaginer quelque chose qui surgisse d'un horizon vide...- tout cela exige beaucoup plus d'énergie, durant une longue période, que la majorité des gens ne l'imaginent...Même si le corps n'est pas en mouvement, à l'intérieur de soi s'opère une dynamique laborieuse et exténuante."</p>
<p>A travers les mots de Murakami se déploie et se réalise l'activité de l'écrivain bien au delà du visible. L'auteur s'explique avec le métier, nous donne à voir le réel de son activité. L'activité d'écriture implique une stratégie d'usage du corps bien en amont de l'acte de produire du texte, et se poursuit bien après le travail à la table dans l'entrainement exigent et continu du corps à subir la pression, à tenir la distance, à vaincre la fatigue.</p>
<p>C'est le cadeau de Murakami de nous offrir cette rencontre honnête et dépouillée avec son métier d'écrivain. Nous nous retrouvons apprentis, écoutant un maître qui tente de transmettre "<em>un genre professionnel</em>" (Clot 2005) celui du travailleur intellectuel. Car "<em>l'activité est une épreuve subjective où l'on se mesure à soi-même et aux autres pour avoir une chance de parvenir à réaliser ce qui est à faire. Les activités suspendues, contrariées ou empêchées doivent êtres admises dans l'analyse</em>" (Clot 2008). Le chercheur nous invite, psychologues du travail, syndicalistes, RH, managers à ne pas réduire le métier qu'au visible et au mesurable. Ainsi que l'explique Murakami, une journée de travail commence bien avant l'arrivée au bureau et se prolonge et se ramifie dans les sphères sociales et intimes.</p>
<p>Cette approche nous invite à renouveler notre regard sur métier. La compétence, cette aptitude à mobiliser le bon geste technique au bon moment ne rend que partiellement compte des stratégies que déploient les travailleurs pour se rendre disponibles au métier, être prêts à agir, disponibles.</p>
<p>La question de l'usage du corps nous invite à élargir la notion de parcours professionnel par la "<em>capacité</em>" à agir (Zimmermann 20011) maintenue tout au long de la vie par les travailleurs. C'est bien cette complexité du rapport au corps qu'explicite l'ANACT dans ses recommandations sur la préventions des TMS : "''Ces gestes, ce sont à la fois des mouvements ou des postures, mais ce sont aussi des connaissances de stratégies à suivre selon les situations de travail, c’est enfin du sens donné aux actions dans le métier.
Lorsque le mouvement est trop contraint, trop rapide, sans récupération, lorsque les apprentissages sont insuffisants, lorsque l’activité n’a plus de cohérence dans le collectif de travail, alors les gestes professionnels sont empêchés et deviennent pathogènes. Les affections (épicondylite, syndrome du canal carpien, hernie discale...) sont les résultats visibles et tardifs des expositions.''"</p>
<p>Cependant, dans les entreprises, la réductibilité des TMS à une formation sur gestes et postures semble avoir de beaux jours devant elle... C'est que la question de l'usage du corps relève de l'intime. D'héritages de savoir-faire et de modalité de transmissions ritualisées.</p>
<p>C'est pourquoi "l'autoportrait de l'auteur en coureur de fond" est un livre précieux.</p>
<p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/65967570.jpg" alt="Murakami" style="display:block; margin:0 auto;" title="Murakami, nov. 2011" /></p>Manager la diversité pour booster vos PME?urn:md5:757c4018e8c344570eae0318865fef7b2011-10-05T11:11:00+01:002011-10-05T17:30:35+01:00Eric DrutelActualité <p>Avec une telle accroche "marketing", on ne se croirait pas sur un blog de psychologue du travail...et pourtant.</p>
<p>Le colloque d'hier à Grenoble, organisé par l'EM Grenoble et l'AFMD m'a interpelé. Par la présence d'intervenants de qualité qui ont su décloisonner les discours et les jargons en proposant des ouvertures à l'action collective au sein des PME/PMI : on citera les interventions de Nadia Hamadache, Bruce Roche, Jean-Luc Gaidon.</p>
<p>L'exposé de Nadia Hamadache replace le débat dans son contexte européen : celui de la libre circulation des membres, et donc de leur droit de vivre et travailler dans la communauté.</p>
<p>La consultante examine les deux modèles qui soutiennent ces actions : celui de la lutte contre la discrimination puis celui de la promotion de la diversité. Son travail s'étaye par références aux articles de Loi (Aubry '98; Directives "races et emploi"; 16 XI 2001...) et d'une critique de chacun des modèles que le législateur propose. Ainsi les auditeurs sont invités à dépasser les querelles entre les tenants "Colour Blind" et ceux de la différence "ethno-raciale". Le but étant de proposer une nouvelle approche basée sur une critique de ces modèles : hiérarchisation des critères, recréation d'identité rivales, mise en distance du droit, non remise en cause du système discriminatoire, "essentialisation" sociale.
L'approche de Madame Hamadache est de définir une "invention Française de la diversité" qui articule ces deux modèles dans une approche dynamique : les approches ne s'opposent pas mais se complètent et se juxtaposent. Ainsi, selon différents temps de vie au travail, s'articulent "égalité des chances", "égalité de traitement", "diversité".</p>
<p>Cette voie offre de sortir d'un universalisme des théories et nous permet de d'aplanir le terrain pour tenter de construire une approche moins utopiste. Se posent alors les questions qui dérangent : quel bénéfice y a t-il à manager la diversité dans les PME/PMI de demain?</p>
<p>On notera que l' on retrouve cette articulation dans le label de l'AFNOR "Diversité"... en rappelant encore la difficulté, voir l'impossibilité de mesurer la diversité dans l'entreprise. Mais il s'agit là d'un autre débat.</p>
<p>Ce colloque se proposait donc de penser et de proposer des supports adaptés qui permettent d'appréhender le plus largement possible ce qu'est la diversité dans l'organisation du travail. On soulignera de nombreuses approches exposées : une série d'ouvrages réalisés par l'AFMD et un dispositif d'e-learning.</p>
<p>L'atelier proposé par Bruce Roch "Déploiement d'une politique de gestion des âges dans l'entreprise" propose de penser la diversité dans l'entreprise par le paradigme de l'âge "dans lequel tout le monde peut se reconnaitre". Rappelant que 2012 sera l'année EU du vieillissement actif au travail et dans la société, il propose comme support un ouvrage de référence édité par l'AFMD et l'EM Strasbourg sous la direction d'Emilie Bastiani Guthleber Ph.D. Cet abécédaire décode et re-contextualise le lexique du RH par une relecture qui articule définition du dictionnaire, droit, littérature, exemple de terrain et une invite "aller plus loin" qui propose de complexifier les notions proposées. Le chercheur trouvera dans les renvois de quoi apaiser son envie de dépasser premières définitions proposées.</p>
<p>La bonne idée prend la forme du programme d'e-learning exposé par Jean-Luc Gaidon. Ce chef d'entreprise, membre du CJD joue franc jeu et rappelle "que ça ne doit pas être la mesure de la diversité qui doit être l'objectif" et que manager la diversité est aussi une affaire d'engagement personnel du dirigeant. "Si on ne sait pas trop ce qu'est le management de la diversité", tant les formes discriminatoires peuvent être nombreuses, le manager va ainsi être aidé pour trouver ses réponses à "sa volonté de sortir des circuits traditionnels". Outre une volonté de voir la société autrement, il souligne "que la diversité est un élément différentiateur" bénéfique à la compétitivité de l'entreprise.
Constatant une grande différence de maturité chez les PME/PMI, le CJD guidé par Jean-Luc Gaidon - dans le cadre d'un partenariat avec l'AFMD - construit un outil, en accès libre sur la toile pour "partir de la base", "faire des liens" et "prendre le dirigeant à rebours des représentations et solutions vers lesquelles il irait".</p>
<p>Cet outil, bientôt en ligne n'est pas une boite à solutions toutes prêtes mais prend réellement l'utilisateur à contre-pied lui offrant une prise de distance nécessaire pour penser sa situation. Le programme met en scène deux associés travaillant au développement de leur entreprise et confrontés à des arbitrages courants dans le travail d'un manager. Ces exemples sont issus de cas pratiques étayés recueillis par l'équipe du CJD et de l'AFMD.</p>
<p>Le résultat n'est pas un outil qui promeut une utopie mais aborde le management de la diversité sous une forme contingente et c'est ce qui en fait toute sa valeur : celui qui s'engage dans cette voie doit penser en terme de durabilité, de performance différée, il va donc adapter son entreprise dans le temps, faire évoluer sa structure. Suivant cette même approche contingente, ses auteurs reconnaissent qu'il y a des contextes dans lesquels la politique de la diversité est plus favorable que d'autres. C'est l'autre richesse de cet outil : de constater, de penser et à terme d'élaborer collectivement des hypothèses adaptées.</p>
<p>Pour conclure sur cet outil d'e-learning, le management de la diversité est une action exigeante qui impose de penser un cadre de travail strict et d'accompagner toutes les personnes de l'organisation du travail dans ce processus. C'est une démarche systémique et mature de l'entreprise qui associe les collectifs de travailleurs. Elle se construit par étapes et doit être pensée comme dynamique. Chacun des items proposés par l'interface peut remplir des mois d'interventions en psycho ou en socio du travail...</p>
<p>... L'intérêt de ce colloque pour des psychologues du travail ou des sociologues de travail est de proposer un terrain "moins chargé" que celui de la prévention des risques psychosociaux dans lequel il est possible de parler de prospérité de l'entreprise, de concurrence, de bénéfices en même temps que projet de société tout en évitant la pensée unique.</p>
<p>Avant de refermer ce billet, soulignons un document très complet "panorama des PME" du CJD qui fait le point sur ce qu'est une PME en 2011. Ouvrage réalisé par le CJD et Gilles Le Blanc.</p>Tous étaient frappés!urn:md5:cde5451dad934579afe7ab918abe28682011-09-29T17:00:00+01:002011-10-03T11:22:42+01:00Eric DrutelRetour de terrain <p>Quel est le travail d'équipe en institution? Quelle est sa fonction?</p>
<p>C'est en filigrane la question qui tramait la séance d'analyse de la pratique que j'ai animé dernièrement. Ce qui en fait pour moi une séance remarquable c'est la mise à nu d'un étrange phénomène : qu'est ce qui pousse un professionnel, éducateur, directeur, chargé d'insertion à laisser l'équipe éducative de coté, pour faire un "pas de deux", et tenter "en solo" de résoudre un problème avec la personne dont l'équipe a la charge? Même si il s'agit de "micro-événements" dans la vie de l'institution et que rien n'est arrivé, il demeure que les personnes frappées par cette "ensorcellement" témoignent dans l'après coup d'une charge anormale de soucis ou d'un sentiment d'isolement, en tout cas, "d'un quelque chose qui ne vas pas de soi" qui s'est produit.</p>
<p>Le cas exposé par un participant nouveau venu dans le métier peut dans un premier temps paraître une erreur de jeunesse. Il évoque sa peur et sa souffrance de s'être retrouvé convoqué dans un face à face qui l'emmena buter contre le cadre de l'institution.</p>
<p>Le groupe l'écoute et s'y reconnait :
Nous sommes au mois d'Aout, l'encadrement est moins nombreux mais le travail sur le chantier est toujours là. Un mot lâché par Hubert, travailleur en insertion, fait mouche. Dans le couloir devant la machine à café il évoque la montée en force de ses pulsions suicidaires. Et voila notre témoin exposer au groupe en analyse qu'il proposa tout de go à Hubert d'en parler dans son bureau. Puis les séances d'aide sociale devinrent en quelques jours des séances de soutien psychothérapeutique "il fallait l'aider, je ne pouvais pas le laisser comme cela. Ca fout la trouille". Tout en se tournant vers moi, m'expliquant qu'il a bien conscience de ne pas être psychologue, il détaille au groupe l'organisation mise en place conscient que "cela allait au delà de ses fonctions initiales"... L'encadrement de retour de congés, mis fin à cette pratique peu de temps après.</p>
<p>L'équipe surprise des paroles d'Hubert analyse la situation. Personne n'a jamais eu avec lui un échange sur le suicide...
Le tour de table qui suivit nous montre alors que tous ont vécu cette expérience, voir, la vivent toujours. Tous furent frappés, un jour par un mot, une expression, un geste qui se joue de l'interdit et qui les entraine. Il y a des mots qui "enferment", qui nous "laissent perplexe".</p>
<p>Le groupe reconnait alors que ces mots agissent sur les individus encadrant avec force. Performatifs, ces mots scandés aux travailleurs sociaux les ensorcellent et les éloignent prisonniers, du reste de l'équipe éducative : suicide, folie, schizophrénie... tout un vocable provoquant la stupeur. C'est l'imaginaire qui débarque et paralyse. Il ouvre la porte aux fantasmes de l'équipe, parents ou amants tout puissants engagé dans une lute contre "le mal". C'est le désir, la séduction qui est à l'oeuvre et qui vient "travailler" l'équipe. Il était presque possible d'entendre, j'ai voulu le sauver, l'aimer, j'en avais besoin...</p>
<p>C'est l'équipe en analyse, en offrant à tous ses membres un droit à la parole et un espace d'écoute bienveillant et privé, qui s'attribue alors la force de déjouer le sortilège! Ce qui se dira lors de cette analyse appartient à l'équipe, ils sont enfin entre eux...Tour à tour des éléments "refroidisseurs" du désir sont évoqués : tentative de symboliser ce qui s'est vécu mais aussi dans un éclat de rire du groupe, la dimension primaire du désir et l'attirance sexuelle. Cet habillage du désir permet de le manipuler, d'y réfléchir, de le partager en étant contenu. C'est un paquet.</p>
<pre>Le cadre de l'institution est à nouveau évoqué et la dynamique qu'il organise au sein de l'équipe... le nouveau venu conclura la séance par un "j'ai compris à quoi ça sert ces réunions" . Tous accueillirent cette parole comme la reconnaissance d'une nouvelle compétence, il devenait l'un des leurs.</pre>
<p>Je souhaiterai retenir deux choses :</p>
<p>La fonction du groupe en analyse est bien de pouvoir élaborer des formules d'intégration du désir acceptables. Il s'agit de reconnaître en la travestissant plus ou moins - selon ce qui est supportable d'entendre- la réalité d'un désir et d'analyser son écart par rapport au principe organisateur de l'institution, du métier, des missions. Dans le témoignage fournit par chacun des membres de l'équipe s'élabore et se partage des solutions pour éviter l'aliénation du travailleur par rapport au groupe en examinant les possibilités acceptables de "travailler" se désir en étant dans les missions de la structure.</p>
<p>On pourra avec Fustier reconnaitre que pour un observateur, tout cela peut paraître d'une extrême banalité. Hors ce qui compte c'est justement la mobilisation au coeur de l'équipe. C'est le processus , le mouvement d'élaboration qu'a pu soutenir le nouveau venu qui a créé l'élément différentiateur, organisateur de l'équipe des professionnels. Le groupe se transforme en équipe et les actes individuels ne sont pas une collection mais incarnent le projet de l'institution. Un projet qui n'est pas figé dans des règlements mais qui permet de faire des essais si le groupe en discute : il s'agit là de construire et de transmettre une identité professionnelle.
L'identité du professionnel de l'insertion n'est pas de rejeter le désir, mais semble d'être de trouver des voies "de bonnes pratiques" pour le travailler.</p>
<p>Je vous invite à poursuivre cette réflexion sur les écarts entre les positions individuelles et "les bonnes pratiques professionnelles" construites par le groupe à la lecture du chapitre sur le travail du désir et la sanction de l'écart dans cet ouvrage:
<img src="http://ericdrutel.free.fr/public/.9782100082568FS_m.jpg" alt="9782100082568FS.gif" style="display:block; margin:0 auto;" title="9782100082568FS.gif, sept. 2011" /></p>La femme qui n'avait pas de nom...urn:md5:58359ec2e880ff5208efb4e73faa68602011-09-07T12:19:00+01:002011-09-07T11:29:36+01:00Eric DrutelRetour de terrain <p>Joseph ouvre à peine la porte de son bus que déjà elle s'y engouffre en l'apostrophant "Ca va Joseph?". Les yeux dans le vague, elle chemine au fond du bus. La route n'est pas très longue jusqu'au chantier d'insertion mais déjà les autres travailleurs le questionnent "comment s'appelle t-elle déjà, cette étrange personne?" Elle est pourtant là depuis deux mois mais la colle ne prend pas.</p>
<p>Toute la journée, elle fait fi des interdits du chantier et quitte son travail pour aller fumer, prendre des pauses... le groupe la regarde comme une étrangère. Pourtant elle est sympa, voir hyper attachante. Son histoire est une succession de malchances : famille, milieu, enfants tout y est. Malgré l'empathie du groupe, la colle ne prend décidément prend pas. Le personnel de la structure se sent plus parent qu'éducateur. Personne n'est à sa place...</p>
<p>Lors d'une séance très animée ayant pour sujet les limites de la structure par rapport au cas de cette personne, deux participantes, un peu épuisées lâchent provocantes "Quelle soit là ou pas, c'est pareil"... Elle n'a plus de nom et maintenant la voilà qui disparait. Etrange!</p>
<p>Cette séance de travail avec l'équipe fut particulièrement intéressante et offrit la possibilité d'examiner les possibles de l'action collective : quel est le rôle de cette structure par rapport à l'insertion sociale/professionnelle, quel est le levier que chacun peu actionner et qui prend sens dans la demande de cette personne... Bien sur, l'équipe ne vas pas la laisser tomber.
La parole libérée sur son cas permet à l'issue de la réunion de se "dégager", de comprendre ce qui se passe et de retrouver sa place. "Chacun à sa place, et les mêmes règles pour tous" entendis-je comme si on retrouvait le sol sous nos pieds. Et surtout d'aller à nouveau parler avec Thérèse et confronter ce qui est important pour elle avec ce qu'il est possible ou non de réaliser dans la structure. Il y aura à nouveau des possibles...</p>
<p>Lors de cette séance résonnait les propos de Joseph Rouzel dans son livre "La supervision d'équipes en travail social" à propos du social et de la jouissance. <strong>La vie en société marche "au pas"</strong> dit-il.</p>
<p>Qu'est ce que c'est que porter un nom? N'est ce pas avant tout porter un "non"?</p>
<p>Dans cet exemple, s'illustre que l'accès au social, l'insertion sociale, n'est possible qu'au prix d'un renoncement à la jouissance sans entraves. Les lois des hommes construisent des interdits (à l'inseste par exemple) qui permettent à chacun de soutenir l'incomplétude douloureuse de notre origine, de la séparation avec la mère. En échange il y a une place pour chacun, un nom. Le désir, le projet de vie en communauté naitra autour de l'interdit. Ainsi, dans ce chantier d'insertion, tenir les règles (manifestes ou tacites du groupe) , les accepter c'est porter un nom. L'enjeu n'est pas de produire en quantité, de satisfaire une production mais bien de soutenir un cadre...</p>
<p>Se dérobant à toutes règles, malgré ses sourires, Thérèse n'avait plus de nom, elle s'effaçait. Nous n'étions plus dans le théorique, dans les grands penseurs, illustres psychanalystes. On était dans le réel et quelque chose était à l'oeuvre, elle n'avait plus de nom.</p>
<p>Et comme dans le travail social tout est en lien (tout se transfert?), il a fallu à tout le personnel reprendre courageusement la parole, libérer les échanges pour démêler tout cela et en parler. Pouvoir évoquer des émotions aussi fortes n'a pu être possible qu'en se détachant de l'expérience vécue. La parole a eu fonction de réfréner la jouissance du groupe éducatif. Non, ils ne sont pas tout puissant et ne peuvent sauver tout le monde. Cette parole permet par le langage de retrouver une posture tenable. Ainsi, l'équipe a pu partager ensemble la douleur de ne pouvoir "sauver tout le monde".</p>
<p>Cette mise à découvert du désir de l'équipe permet de faire surgir du nouveau. Il y a eu a travers ces échanges un nouvel élan, une nouvelle impulsion. Ni parents, ni divins, le groupe de professionnels dégagea, lui aussi, par ses renoncements, de nouveaux possibles, de nouvelles pistes...</p>
<p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/.41-6sL91jbL._SS500__m.jpg" alt="41-6sL91jbL._SS500_.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="41-6sL91jbL._SS500_.jpg, sept. 2011" /></p>Comprendre les personnes autistesurn:md5:736143406d971b469e64372dd79854c72011-09-01T14:02:00+01:002011-09-01T13:04:36+01:00Eric DrutelActualité <p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/.51GTUvOLcPL._SL500_AA300__m.jpg" alt="51GTUvOLcPL._SL500_AA300_.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="51GTUvOLcPL._SL500_AA300_.jpg, sept. 2011" /></p>
<p>Alors que l'ANESM lance une consultation nationale sur l'autisme et les troubles envahissant du comportement, l'autisme reste une maladie très peu connue en France. Une amie ayant un fils autiste a du retourner aux USA pour avoir une prise en charge acceptable de son jeune enfant. Les publications en français sont encore rares et le vocabulaire pas encore bien "stabilisé" : Asperger, autisme de haut niveau, autisme avec handicap mental... autant de vocables dont les champs se recoupent mais qui définissent des réalités de vies très différentes pour la personne et son entourage.</p>
<p>La semaine dernière, j'ai du prendre des décisions importantes quant à la prise en charge d'un adulte de mon entourage supposé souffrant d'un syndrome d'Asperger. Face à ce handicap, comment comprendre ce qui est important pour la personne? comment se représente-t-elle le monde? qu'est-ce qu'elle souhaite faire de sa vie?</p>
<p>Si il y a un ouvrage qui peut poser les premières pierres d'un accompagnement, c'est celui de Peter Vermeulen. L'ouvrage date un peu (1999) mais l'auteur parle vrai. Au fil des pages, le lecteur comprend peu à peu les difficultés à vivre des personnes attentes d'Asperger. Bien souvent, les dons, les connaissances encyclopédiques, le langage choisi dont font usages ces personnes masquent une réalité de vivre au quotidien dans un monde violent et incompréhensible...
Rien ne remplace la clinique ni l'expérience au quotidien pour saisir l'étrangeté de cette maladie et les solutions thérapeutiques n'existent pas. Ce manuel permet outre de comprendre la perception de la personne autiste mais surtout des pistes pour communiquer et rendre notre monde supportable. Leur développement dépend avant tout de nous et de notre capacité à communiquer différemment.</p>
<p>=======</p>"Travailler sans les autres"urn:md5:3f5273842545a553d66f6b2ef100ef1b2011-08-30T17:53:00+01:002011-08-30T16:54:00+01:00Eric DrutelActualité <p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/9782020983792FS.gif" alt="9782020983792FS.gif" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="9782020983792FS.gif, août 2011" /></p>
<p>Le petit bijou de ma rentrée, c'est le "Travailler sans les autres" de Danièle Linhart. Pourquoi un bijou, parce que (page 31), l'auteure déploie une nouvelle analyse des enjeux du pouvoir dans l'organisation ainsi que des divisions sociales : la thématique du don. Elle permet de situer le travailleur et son action dans une problématique plus large, dans le rapport avec la société dans son ensemble. Danièle souligne "l'ambiguité majeure de l'organisation du travail : là où la prescription vise la production d'un bien ou d'un service à valeur marchande, celui ou celle qui travaille est en fait engagé dans la production d'un monde... un mouvement dynamique à travers lequel l'individu intègre progressivement le souci de l'activité d'autrui".</p>
<p>Voila un coin enfoncé dans notre perception encore trop étriquée du monde du travail. Elle nous offre l'opportunité de repenser les oppositions entre métier, public/privé, par ceux qui ont encore la chance d'avoir un métier qui intègre l'activité sociale et s'y définit comme une activité du don.</p>Le projet d'établissement, un document essentiel pour un métier rendu possible!urn:md5:bb4f40c0e33d32f8c79eb8a459ebb0052011-07-18T10:35:00+01:002011-08-30T16:07:00+01:00Eric DrutelRetour de terrain <p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/blowup-images/.arbre3_s.jpg" alt="arbre détouré" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="arbre détouré, juin 2010" />Il y a de cela une année, un directeur d'institution, me disait qu'il était heureux de voir "qu'on en avait fini de cette mode de l'écriture"... "et qu'on passait enfin à des problèmes organisationnels". Je me retrouvais dans la même situation, en juin 2011, alors que je participais à un débat contradictoire portant sur mon évaluation externe d'un établissement. La directrice m'annonça, tout de go, "C'est bien mignon mais j'ai des préoccupations de terrain bien plus sérieuses à gérer que de fabriquer un document de plus!"</p>
<p>Mes actions, durant cette année scolaire 2010-2011 m'ont fait maintes fois éprouver une réalité de terrain tout autre... une réalité qui pourrait creuser un faussé entre les exigences des dirigeants de structures et les attentes des salariés.</p>
<p>Demande d'agrément, formulaires qualité, pages internet retraçant l'histoire héroïque du fondateurs de l'institution, pléthores de données chiffrées sur la vie de la clinique, agréments, compte-rendus et bilans... les documents qu'une structure s'engage à produire sont nombreux et théoriquement disponibles à tous. Que penser devant les demandes des évaluateurs de tous poils à produire encore et toujours plus? Effet de mode ou réelle utilité?</p>
<p>Pour le dire simplement, d'un coté l'équipe de direction souhaite toujours plus travailler "à la qualité" et de l'autre " des papiers, toujours des papiers à remplir, et pendant ce temps là, on fait pas le travail" grognent les salariés. Une injonction à produire des documents lisibles et ciblés, argumentés, de hauts niveaux de diagnostiques qui créent en retour une exigence, celle d'avoir des réponses quand les arbitrages de métier se font difficiles.</p>
<p>Une réponse qui tarde à venir bien souvent parce qu'une collection de documents ne tient pas lieu d'élaboration sur l'activité de la structure. Il ne faut pas confondre processus et résultat. L'analyse des enjeux et des pratiques n'a pas vocation à rigidifier le travail prescrit. Les attentes des membres de la structure sont plutôt vers un inventaire des possibles, un répertoire professionnel.</p>
<p>C'est dans cette voie que les injonctions à produire de l'écrit se placent. Encore un fois, c'est en attaquant le métier, en ouvrant avec TOUS les professionnels la boite noir de leur activité que l'on peut sortir de ce paradoxe. Pour expliciter en quoi "on fait pas le travail", il faut comprendre avec les pros ce que c'est que "faire le boulot".</p>
<p>Les voies pratiques sont nombreuses : travail d'élaboration sur les objets techniques, démarches "brown paper" en groupe de recherche-action, m'ont offert cette année une loupe suffisamment puissante pour décortiquer gestes techniques et postures. Et au coeur de cela, le plus important, les arbitrages de métiers.</p>
<p>Etre un pro, c'est avant tout, faire des choix! A tout moment. Le geste professionnel, celui de l'infirmière, de l'éducateur, de l'AVS, de l'assistante à domicile et du directeur n'est observable que dans une infime partie. Ils sont dans une large mesure invisible à l'oeil nu. C'est en travaillant sur le détail, sur le micro, et dans l'explicitation qu'apparaît l'important à écrire, le vraiment utile aux autres et à soi-même.</p>
<p>Par exemple : Le moment d'administrer un placébo au malade qui ne trouve plus le sommeil ou aider un vieux monsieur à prendre sa douche ont étés cette années des moments privilégiés pour comprendre l'importance en amont, d'une élaboration commune sur les missions de la structure.</p>
<p>Ou s'arrête le bon bon geste? De quoi témoigner? Qu'écrire sur le cahier de liaison ? Qu'est ce qui fait sens? dans le cadre de mon service, qu'est-ce que la normalité et la pudeur? Que faire les interdits alimentaires? Notre "projet éducatif est-il pas un trop le notre et pas assez le sien? " Voila les questions auxquelles ont abandonne les travailleurs que j'ai rencontré si on ne prend pas le temps, dans l'année, de se réunir et de faire le point sur la mission de l'établissement, son histoire et ses valeurs.</p>
<p>Si le professionnel du lien ou du soin peut compter sur les formations théoriques, la culture de métier, l'apprentissage informel à la machine à café, la mémoire du groupe d'éducateurs, qu'est ce qui va unifier sa pratique? On peut entendre par unifier le fait de créer un pont solide entre les attentes de la personne souffrante ou handicapée et les injonctions d'efficience auxquelles le professionnel doit répondre.</p>
<p>Le projet d'établissement demeure un outil qui permet encore et toujours de reconnecter les éléments disparates et de rendre le pouvoir d'agir aux professionnels. Sans cela, le travail est empêché et l'institution souffre.</p>
<p>Bien sur, inviter des usagers, des assistantes, les stagiaires, les médecins, les administratifs pour réfléchir sur le "qu'est ce qu'on fou là" peut paraître de l'utopie quand "tout le monde se prend la tête" pour tenir les délais et rentrer chez soi bien assez fatigué...</p>
<p>Il faut rappeler que le travail d'écriture du projet d'établissement est un travail nécessaire avant tout pour le quotidien. C'est parce qu'on "sait ce qu'on fout là" que le travail est rendu aux professionnels de la structure.</p>
<p>Pour le fond, il est toujours possible de construire facilement des demi-journées d'élaboration sur un aspect du métier... pour la forme des documents, je vous propose deux lectures:</p>
<p>1- Tout d'abord, les travaux en ligne de l'ANESM</p>
<p>Dans ces travaux de l'ANESM sur le PE/PS, on trouve de quoi matérialiser durablement cette activité d'écriture et d'élaboration sur les missions.</p>
<p>L'ANESM conseille que dans ce travail les principales thématiques à traiter, "les incontournables" , "sachant que la pondération entre ces thématiques, l’importance relative à leur accorder dépendent essentiellement de la nature des enjeux auxquels est confronté l’établissement".</p>
<p>Je considère que les données que l'agence propose de fournir aux travailleurs sont les indispensables d'une activité collective "l’histoire et le projet de l’organisme gestionnaire ; ␣ les missions ; ␣ le public ; ␣ la relation avec les parents, la famille et l’entourage ; ␣ la nature de l’offre de service et son organisation ;
␣ les principes d’intervention ; ␣ les professionnels et les compétences mobilisées ; ␣ les objectifs d’évolution, de progression et de développement".</p>
<p>Autre point important, l'ANESM exige, "pour qu'il y ait un réel usage" la production du document sous deux formes l'un de 30 pages avec annexes, l'autre plus court reprenant "les éléments principaux et les objectifs d'évolution" ayant pour but de "mettre en exergue l'identité de l'établissement car le PE a une vocation de communication" pour " faire figurer les objectifs sous forme de fiches/actions".</p>
<p>2- L'ouvrage de J.-R. Loubat "Elaborer son projet d'établissement social et médicosocial."</p>
<p>ll constitue un guide méthodologique qui peut permettre, sinon une feuille de route, mais d'étayer une discussion avec un consultant sur les passages obligés et la qualité des documents à élaborer lors de son action de terrain.</p>
<p>En guise de conclusion, je souhaiterai témoigner de la réalité des bénéfices de ce travail d'écriture mis en forme par les auteurs évoqués.</p>
<p>Permettre aux travailleurs sociaux ou sanitaires de répondre à la question du "qu'est ce que je fous là" c'est rendre la complète mobilité à leur geste technique, qu'il soit réel ou symbolique.</p>
<pre></pre>
<p>Le document produit à valeur d'un repère dynamique qui permet non pas de restreindre le champ des gestes possibles mais d'en élargir la palette. Quand on prend soin du projet d'établissement, l'amélioration est presque immédiate, en quelques semaines, les pages se remplissent et l'activité des travailleurs se déploie...</p>
<p>...</p>Les plus jeunes et l'emploi... vers quelle culture de métier?urn:md5:19f73f388af32c2e99b4295a6d6f0d312010-10-12T21:56:00+01:002010-10-12T21:10:15+01:00Eric DrutelRetour de terrain <p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/blowup-images/.arbre3_s.jpg" alt="arbre détouré" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="arbre détouré, juin 2010" />Alors que je travaillais sur deux projets de formation à destination des seniors dans l'entreprise, deux étudiants en école d'administration me contactèrent pour un entretien.
Leur travail d'enquête de terrain portait sur les dispositifs d'évaluation de la personnalité dans une optique de recrutement.</p>
<p>Ce qui me frappa dans leur démarche, ce ne fut pas tant le sujet de leur enquête que les éléments retenus pour construire la problématique de la sélection. Pour ces deux têtes blondes, les enjeux du recrutement semblaient être "d'évaluer l'inné ou l'acquis" et de déterminer "quelle part de la personnalité resterait stable et quelle autre part pourrait être changée par l'entreprise".</p>
<p>Au delà d'une réponse circonstancielle sur la structure de la personnalité, l'organisation des traits et leurs arrangements dynamiques, cette question à la fois brutale et froide sur le recrutement me laissa dans un certain malaise.</p>
<p>Je fus tout d'abord déçu. Comment peut-on arriver sur le marché du travail en étant culturellement si démuni? J'ai été attristé de les voir si peu porteur d'un projet de vie, de la volonté de tenir une place parmi des pairs, de confronter leur héritage à un collectif de travailleurs. Il me semblait qu'ils acceptaient d'être choisis dans ce qu'ils avaient de plus intime et de l'offrir à l'organisation pour "être transformés". Mon injonction à rencontrer, avant toute journée de recrutement, leur futurs pairs et à témoigner d'un désir de métier, de se reconnaître dans une oeuvre et de la porter au devant des autres semblait lettre morte.</p>
<p>N'ayant pas connu les lycées, les boites à bac, j'ai passé mes examens scolaires patiemment dans la filière technique du CAP au DESS. Si bien que d'aussi loin que je me souvienne, mes diplômes étaient la confrontation "victorieuse" de mes représentations avec la réalité d'un métier porté par les enseignants ayant ou étant en poste dans une organisation du travail. Je n'étais jamais autant que ce que je voulais être. Tout mon apprentissage de métier c'est fait par les cours techniques mais aussi par le décodage précis et continu des blessures des mains des profs techniques, de la fatigue d'un prof en cours du soir, du porté de son costume, du travail de ses silences qui étaient autant d'indices précieux d'un futur de professionnel qui ne se révélait de médiatisé par le corps souffrant de l'homme de l'art. Profs au Cnam ou ancien de chez Telemécanique, leur travail tordait les mains, fatiguait les yeux et courbait le dos.</p>
<p>Et si ces deux étudiants attendaient du psychologue l'explication du test, l'invitation à trouver une faille, une issue dans cet avenir implacable ou la biologie avait déjà distribué les cartes de leur avenir? D'après la révélation de leur "inné" ils seraient ou non les cadres de demain? Insupportable! Comment donc, ne pas les comprendre, et les inviter à développer, à apprendre ce que travailler veut dire... mais comment s'apprend le sens du travail?</p>
<p>Alors que je met en forme ma formation sur le tutorat/référent professionnel, Je rejoins les conclusions que Bernard Masingue ébauche dans son rapport sur l'importance déployer le tutorat des seniors.
Alors qu'il met en avant la compétence reconnue des tuteurs comme détenteurs d'une expertise professionnelle, ainsi que leur participation à la démarche qualité de l'entreprise, j'aurai aimer le voir développer le management intergénérationnel et sur l'apprentissage de la diversité . Peut-être aurait-il pu même substituer l'idée de management intergénérationnel pour celle d'école intergénérationnel du travail où l'on apprendrait à déployer son action dans toutes les dimensions du personnel au transpersonnel. Il ne s'agirait pas tant de performance de l'organisation que celle du collectif. Le rôle du tueur serait alors d'apprendre à penser et travailler par modalités et espaces de controverserses professionnelles.</p>
<p>Il y aurait une réponse à la problématique du recrutement de ces deux étudiants, une alternative à l'arbitrage entre l'inné et l'acquis par la reconnaissance d'une compétence à la collaboration, à la mise en oeuvre de l'intelligence de la pratique...faites de déstabilisations constructives et du droit à l'erreur et à l'aventure d'une pratique en devenir.</p>Travailler à plus de 50 ansurn:md5:2d61021f4e012f383f054576f5356e232010-09-14T11:24:00+01:002010-09-14T10:31:30+01:00Eric DrutelActualité <p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/blowup-images/.arbre2_s.jpg" alt="arbre positif" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="arbre positif, juin 2010" /></p>
<p><strong>Travailler à plus de 50 ans ?</strong></p>
<p>Le débat sur les retraites se referme sur une injonction à travailler plus tard et ouvre- vox populi- de nouveaux débats : Qu'est ce que la pénibilité? Qu'est ce que vieillir au travail? Quels parcours professionnels possibles? Quelles sont les représentations à l'oeuvre dans les milieux professionnels sur l'âge?</p>
<p>Une recente demande institutionnelle de produire une "formation-état des lieux" sur les problématiques du management des seniors dans les organisations du travail m'invite aux questionnements sur ces nouvelles problématiques liées au travail.</p>
<p>Pour aller droit au but, la question de l'âge pose celle fondamentale des discriminations à l'embauche et à la sécurisation des parcours professionnels. Il y a là à prendre du recul sur nos pratiques de management et à se confronter, avec courage, aux représentations stigmatisantes que nos organisations du travail construisent.</p>
<p>En effet, les mesures que les entreprises ou institutions peuvent prendre - adaptation des horaires, des postes de travail, sur certaines postures - sont bien souvent très efficaces et finalement peu couteuses. Nombreuses études sont disponibles qui montrent au coeur de la région Rhône Alpes des aménagements simples qui réduisent la pénibilité et renouent avec l'efficience dans des budgets raisonnables. Les modèles RSE sont disponibles et balisent efficacement le terrain.</p>
<p>Mais cette réponse ne nous satisfait qu'a moitié car elle ne répond pas au fond du débat et laisse cadre manager, DRH, responsables de formation au pied du mur et peu outillés pour agir.</p>
<p>En guise de réponse, je souhaiterai nous inviter à prendre la point de vue du travailleur et de nous poser la question des représentations que l'organisation du travail véhicule et des effets qu'elle produit sur les travailleurs.</p>
<pre>Quels sont les messages que l'on construit quand on utilise le mot de senior? ou celui de jenior ? Quels sont les effets de la mise en place soudaine d'une série d'entretien de seconde partie de carrière? Pour accompagner solidement les évolutions à l'intérieur de l'organisation du travail, n'y a t-il pas à tout d'abord s'outiller pour vérifier, questionner ce qui semble aller de soi?</pre>
<p>La question de l'age dans l'organisation du travail n'est-elle pas celle de la représentation de l'Autre au travail et de la cohérence du métier avec les projets de l'entreprise ?
Tous les modèles de formalisation et d'accompagnement que l'on peu trouver ont tous comme pré-recquis que ces questions soient traitées en amont.</p>
<p>Ainsi, il faut se confronter sans détour aux problématiques de la diversité dans l'emploi et s'engager dans une analyse de la pratique de terrain. Ces directions de changements sont les pré-requis qui redéploient, pour le bénéfice de tous, les valeurs qui unissent ages, sexes, parcours, aptitudes dans des collaborations aussi riches, inventives et efficaces que les collectifs sont hétérogènes.</p>De la beauté du geste ?urn:md5:093854f48bde03d9f105027eef2b509c2010-06-29T17:15:00+01:002010-07-02T16:09:16+01:00Eric DrutelActualité <p>5 juin 2010</p>
<p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/blowup-images/.arbre2_t.jpg" alt="arbre positif" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="arbre positif, juin 2010" />Pour les lecteurs de Philosophie magazine, la rédaction avait préparé ce mois - juin 2010- , un dossier sur la beauté.</p>
<p>J'y ai relevé, au cours d'un article, une définition sur la beauté : la beauté apparaîtrait quand l'individu est "unifié". Quand le geste et la pensée ne font plus qu'un, le mouvement ou la posture sont perçus comme beaux.</p>
<p>L'auteur fait un détour par la philosophie asiatique qui avait relevé ce fait depuis des siècles. Ainsi, la beauté n'est pas naturelle, de naissance mais est le fruit d'un processus en trois temps : l'unification de la pratique, l'éveil de la sensibilité, l'ouverture à la spontanéité.</p>
<p>A la lecture de ces lignes, je ne pouvais m'empêcher de faire le lien avec mes recherches sur la reconnaissance professionnelle et la transmission des savoir.</p>
<p>L'expression "la beauté du geste" n'est-elle pas celle qui qualifie le mieux la compétence d'un travailleur? Celui qui "a du métier" n'a t-il pas construit un processus qui tend à l'efficience de sa pratique? Certainement.</p>
<p>Mais pour nous, praticiens de l'analyse du travail, les étapes de cette construction sont les savoir qu'ils nous faut débusquer en chacun pour accompagner à l'appropriation de la pratique collective. Or, voici qu'au détour d'un article de magazine se dégage par ces quelques mots une piste.</p>
<p>Une piste qui demande à être parcourue pour voir ou elle mène mais en tout cas, un chemin à arpenter pour y reconnaître les étapes de l'appropriation d'une technique, d'une gestuelle en situation.</p>
<p>Pour être encore plus clair, on y retrouve ici le cheminement du musicien de jazz qui doit parcourir toutes les étapes avant d'arriver à l'improvisation, étape ultime du dialogue avec le public et le groupe.</p>
<p>Unifier sa pratique : Etablir un répertoire de gestuelles.
Eveiller sa sensibilité : Ecouter les disques des anciens, capter des détails, s'essayer à la transcription
S'ouvrir à la spontanéité : Vivre l'instant en mobilisant dans le même temps ressources internes, environnement et construction d'un point d'arrivé.</p>
<p>Revenons dans l'organisation du travail :</p>
<p>Yves Clot dit en résumé que tout travailleur qui arrive dans une organisation du travail est l'obligé du tradition qui le surplombe. L'apprentissage d'un milieu de travail et d'une pratique se caractérise dans un premier temps par un mouvement de l'extérieur vers l'intérieur. Par l'imitation des postures, des langages, des gestes il semble se construire une première étape d'unification de la pratique.</p>
<p>Puis, l'eveil de la sensibilité pourrait-être cette étape ou l'expérimentateur en "trouvaillant" de nouveaux gestes dans son apprentissage sans fin vers l'efficacité du geste, retourne vers le collectif avec de nouvelles idées. Confrontation, débats ont pour résultat une éducation, une expertise en construction. La perception du travailleur s'enrichit sans cesse de nouveaux détails sur la situation de travail.</p>
<p>Enfin, la spontanéité semble rejoindre les définitions de la compétence comme on peut en trouver chez E. Lecoeur pour qui la compétence est l'articulation de ressources int et ext, validées, mesurables et reproductibles dans un but déclaré.</p>
<p>Trois étapes, un parcours vers la beauté du geste, la reconnaissance de l'autre dans un art du faire.</p>Un travail décent?urn:md5:de50f995a213476718478b84f0a366fc2010-06-29T17:14:00+01:002010-06-30T07:07:18+01:00Eric DrutelActualité <p>4 novembre 2009</p>
<p><img src="http://ericdrutel.free.fr/public/blowup-images/.arbre2_t.jpg" alt="arbre positif" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="arbre positif, juin 2010" />Après quelques semaines de désordre médiatique, le silence se fait à nouveau sur le travail et ses souffrances. Dejours a quitté les plateaux de télé et Clot les émissions de France Culture.</p>
<p>Le travail continue de tuer... statistiquement, le suicide au travail touche une personne par jour en France. Hier le harcèlement moral, ces derniers mois les politiques gestionnaires et demain?</p>
<p>J'ai entendu beaucoup de phrases choc pendant toutes ces semaines : des témoignages presque insupportables de travailleurs en souffrance et à l'autre bout, le président de FT avouer que le modèle gestionnaire avait vécu et qu'il fallait construire autre chose. Mais construire quoi?</p>
<p>Il me semble que l'enjeu des débats était de faire reconnaître que c'était l'organisation du travail qui était maltraitante et qu'il ne s'agissait plus de caractériser et d'aider les souffrances individuelles. C'est une grande avancée. Mais cependant, alors que le calme se fait, l'expression "travail décent" pose problème.</p>
<p>J'y vois là, plutôt une demande de reconnaissance professionnelle que de décence. Dans notre France de 2009, c'est bien la question de la reconnaissance qu'il s'agit plus que ce celle du travail décent.</p>
<p>Le travail décent est expliqué dans les pages de l'OIT : Le but fondamental de l'OIT aujourd’hui est de promouvoir l'accès des hommes et des femmes à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité humaine.» Juan Somavia, Directeur général du BIT
Par ailleurs, le travail décent est expliqué en 4 points : "Le travail décent peut s’appréhender à travers quatre objectifs stratégiques: les principes et droits fondamentaux au travail et les normes internationales du travail; les possibilités d’emploi et de rémunération; la protection et la sécurité sociales; le dialogue social et le tripartisme."</p>
<p>On ne peut que convenir que le terme de "travail décent " est donc un peu fort et que si les syndicats communiquent la-dessus, le débat va risquer de tourner court.</p>
<p>A mon sens, c'est de reconnaissance au travail dont il s'agit. Une récente journée de formation que j'ai animé pour les cadres et dirigeant du secteur médico social m'a montré qu'il y avait beaucoup de confusion sur la reconnaissance. La question de la reconnaissance professionnelle n'est que peu abordée car elle renvoie à la notion de rémunération ou de promotion dans l'organisation. Ce qui n'est pas fait pour placer le débat sur des bases sereines.</p>
<p>Pourtant, elle peut être une voie de travail et de conduite du changement pour toute l'organisation. La question de la reconnaissance permet d'aborder la question de collectif de travail, de règles de métier, d'organisation prescrite et de santé au travail.</p>
<p>La question de la reconnaissance au travail permet de maintenir vivant le dialogue sur la pouvoir d'agir sur les situations de travail. Car la santé au travail n'est pas dans la construction de défenses, mais elle est dans l'expérience mûrie et partagée du péril conjuré.</p>