Publié le 13 mars 2009

Le 12 Mars se tenait sur le Campus de Grenoble une journée d'information pour les psychologues et médecins de travail sur le thème des risques psychosociaux et de leur prévention.

"Risques psychosociaux, diagnostiquer pour agir"

Il me semble important à la suite de cette journée de soulever quelques points :

Tout d'abord la présence de nombreux médecins du travail et d'un représentant (ergonome) de l'Institut Syndical Européen. Leur présence témoigne de l'importance du sujet. Les risques psychosociaux inquiètent et mobilisent d'autres champs que la seule psychologie du travail.

Au delà des symboles que représentent leurs participations, leurs compte-rendus étaient édifiants : Roland Gauthy venait nous présenter la situation des problèmes psychosociaux en Europe. Des chiffres alarmants que l'orateur a parfaitement su mettre en correspondance avec les réalités culturelles et économiques de chaque pays de l'UE.

En réponse à cette avalanche de chiffres, le Docteur Philippe Davezies nous invitait à prendre position par rapport à une lecture statistique du mal au travail. Il nous invitait a considérer la rupture, le singulier, le cas, par une prise de distance par rapport à une ingénierie sociale. Une ingénierie sociale qui prend ses racines dans la pensée Positiviste, qui annonce un monde décrit par des lois générales lissant toutes les données qui s'écartent de la moyenne. Une pensée sociale qui aboutit à un paradoxe : en lissant les données on fait disparaître le singulier, c'est à dire, la plainte, l'individu en souffrance. Le problème que l'on souhaitait traiter disparaît par l'usage des outils d'analyse.

Mis en garde par leur faible corrélation avec la réalité et de leur faible utilité en terme d'action, nous pouvons tout de même considérer les chiffres donnés par Roland Gauthy. Rare sont les entreprises qui n'ont pas de sous-traitance en Europe. Ces chiffres sont donc tout à fait pertinents, pour vous, chef d'entreprise et moi, psychologue du travail français. En quelques mots, l'Europe doit faire face à deux grandes tendances : une adaptation nécessaire à de nouvelles pratiques de travail (TIC ) et une force de travail qui évolue (travailleurs migrants, population qui se féminise, beaucoup de temps partiel). Il est possible de cerner de nouveaux facteurs de risques : intensification du travail, un contenu du travail qui s'élargit et qui demande de mobiliser plus de compétences et enfin une modification du style de vie comme les trajets qui s'allongent.

Qui sont les gens les plus touchés? Les personnes travaillant dans les soins et la santé avec 34% de taux d'accident au dessus de la moyenne européenne, tout comme ceux de l'éducation. Tous deux loin devant les accidents dans le monde de la construction et de l'agriculture. Quels sont ces pathologies : les TMS touchent de 60 à 90% des travailleurs dans leur vie. Ces troubles se concentrent dans les PME (80%) des accidents et sur les jeunes (les 18/24 ans représentent 50% des accidentés).

Ces quelques chiffres sont pleins de surprises par rapport à nos représentations parfois un peu étriquées sur les réalités du monde du travail : les cols bleus savent mieux se prémunir de la souffrance au travail!

Y a t-il alors quelque chose qui se construit dans les milieux les moins pathogènes et qui protègent le travailleur des risques psychosociaux? Il nous est permis de répondre par l'affirmative.

En découvrant les nombreuses interventions des participants (dans les domaines des métiers de service, de la police, des plates formes téléphoniques) et les solutions mises en place, il est possible de définir des leviers pour agir sur les troubles psychosociaux au travail.

Tout d'abord et fondamentalement la prise en compte d'un milieu de travail, d'une situation complexe. C'est la raison pour laquelle je ne vais pas vous proposer une liste d'outils mais quelques orientations.

Un chiffre est remarquable dans le travail de M. Gauthy : 50% des jeunes ont plus de risques que les anciens.

Ce qui veut dire qu'il y a "un quelque chose" qui se construit par l'expérience et qui garantit une certaine santé au travail.

Alors, encore une fois dans ce blog, posons-nous la questions de l'expérience, des apports de l'expérience dans son rapport au métier, de l'activité, du pouvoir d'agir.

La solution semble là, la santé au travail semble préservée lorsqu'il est possible de mettre en place des possibilités de mobiliser un pouvoir d'agir individuel/collectif sur les conditions de travail. Le terme de pouvoir d'agir peut faire peur : on peut y lire lutte syndicale, révolutions diverses, augmentation de l'incertitude, rejet des méthodes de management...

Nous parlons plutôt de reconnaissance dans le beau et le geste utile. D'une recherche collective de l'efficience et la reconnaissance de l'apport de chacun dans cette optimisation. Il s'agit aussi de mettre en place des moyens d'anticiper des situations à risque et de se prémunir contre les effets du stress.

Ainsi, les nombreux témoignages d'actions sur le terrain présentées par les intervenants montrent que les risques psychosociaux sont, à mon sens, une pathologie de la rupture. Une rupture des liens ( communications, héritages, façons de faire, gestuelles professionnelle) entre le travailleur, le métier et l'organisation. C'est le bon geste, la bonne posture qui préserve. Cette posture n'est pas une injonction, un prescrit mais la mise en acte d'une pensée unifiée. On pourra trouver les fonctions réparatrices dans les travaux de François Roustang...

Ainsi les jeunes policiers en intervention se retrouvent exposés sans la ressource des anciens qui ont eux, à leur disposition, l'héritage de postures qui leur permettent d'éviter la violence et de gérer leur peur. Les téléacteurs de plate-forme téléphonique, en suivant leur scripts sur écran sont coupés de leur propres ressources langagières pour mobiliser leur expérience de la vente et de leur affectivité pour moduler la transaction. Les cadres n'ont que peu de solidarités et d'échanges pour apprendre leur métier et le sens de leur mission qui est de protéger et valoriser leurs équipes. Privés de l'expérience de leur pairs ils ne peuvent jouer leur rôle...

Tous les acteurs invités se jour là traçaient le même chemin : celui d'entrer dans un monde de conflits. Renouer le lien s'est permettre la controverse de métier. C'est le débat social qui permet la santé. La construction de l'expérience, même à l'échelle de l'organisation passe par des phases de crises, d'essais. Ce qui est important dans la débat c'est qu'il rassemble plus qu'il ne sépare. Elle construit la reconnaissance de l'autre en tant que "contributeur" au bien être commun ce qui ouvre bien des voies d'intégration.

La réponse à la problématique des risques psychosociaux est pleine de surprises : Elle apparaît comme une souffrance individuelle pourtant la solution est dans l'activité collective . A la culture du chiffre qui recherche le rendement apparaît la nécessité d'une culture de métier qui recherche l'efficience.

La souffrance d'un seul témoigne donc du mal de l'organisation.

Face aux risques psychosociaux, les entreprises sont donc pleines de ressources! Tout est là, à disposition du manager, des RH, des CHSCT pour se prémunir et anticiper dépressions, stress, abandon de la motivation etc etc...

Les psychologues du travail proposent 1000 façons de re-tisser des liens pour maintenir vivant une controverse de métier, un débat social portés par l'amour du métier et la reconnaissance de soi et des autres dans le beau et l'utile.