Le nouveau décret sur le harcèlement sexuel à paraitre renouvèle l'opportunité d'aborder la question de la qualité de vie au travail à travers la promotion des modèles de comportements formalisés par les organisations du travail. De nombreux leviers sont mobilisés par entreprises ou les institutions : Charte Ethique, règlement de bonne conduite. Ces "infrastructures de l'éthique" (Begin 2012) visent à coordonner des actions collectives pour assurer le confort des travailleurs en cherchant une conformité d'actions tournées vers l'extérieur (la relation client, conformité des produits) et/ou vers l'intérieur de l'organisation ( modèles de comportements promus par la culture organisationnelle, les chartes et les codes).

Le travail de Luc Begin de l'université Laval pose donc avec actualité la question de l'institutionnalisation de l'éthique. Le chercheur remarque que "si toutes les mesures font références à l'éthiques elles n'obéissent pas pour autant aux mêmes finalités, ni à la même compréhension de ce qu'est l'éthique au travail" (Begin 2012).

Ainsi son approche permet de distinguer deux grandes orientations : l'une mettant en place un modèle de conformité à la norme, l'autre privilégiant un modèle de valeurs partagées. Ces deux orientations définissent ce que l'on attend des travailleurs et surtout le degré d'autonomie qu'on leur laisse : suivre la norme ou s'auto-déterminer par rapport à des recommandations.

Il y a là deux modèle assez différents qui mobilisent soit des éléments coercitifs soit l'émergence d'un modèle d'identification, d'identité de métier au travers de valeurs partagées. Les modèles de contrôles qui vont êtres mis en place vont répondre soit à un modèle coercitif, soit à un modèle de contrôle habilitant.

Luc Begin, dans sa communication à l'AIPTFL 2012 de Lyon explicite ce constat en distinguant les modalités coercitives ou habilitantes et ses incidences sur le conditionnement des travailleurs, le rapport aux règles, les modes d'accompagnement aux personnels.

Ainsi pour le modèle coercitif, l'organisation cherche la conformité des agents à la norme : le conditionnement se fera par le respect de devoirs et d'obligations dont le levier sera la surveillance et la punitions d'individus mobilisés par la crainte des sanctions. De l'autre, le contrôle habilitant vise à aider les acteurs à déterminer leurs actions en s'engageant envers des valeurs partagées formalisées par des "balises"(Begin 2012) du jugement en situation promues par des actions de préventions, de soutient, de mise en "emphase" des compétences éthiques des personnes aux travail.

Ces orientations relèvent de logiques complètement contradictoires alors qu'elles répondent toutes deux à des "infrastructures de l'éthique".

 "On assiste en effet très souvent à une mixité des références à l'éthiques comme si les deux grandes orientations d'éthique organisationnelle étaient aisément compatibles, tant en théorie qu'en pratiques" (Begin 2012).

Face à ce constat statistique qui montre d'après son étude que 92% des actions répondent à une logique de conformité, on peut se poser la question des effets d'une telle confusion pour les membres des organisations : travailleurs, évaluateurs.

La question de l'éthique devient alors impossible à traiter!

Notons la pertinence Luc Begin qui attire notre attention sur la confusion, voir la cohabitation contradictoire d'injonctions au sein d'une même démarche. Les exemples sont nombreux et accessibles par les chartes éthiques internet des organisations du travail ou les nouvelles recommandations des sociétés d'évaluation... A y regarder de plus près, quelles sont les possibilités de traiter la question de l'éthique en soutenant la cohabitation paradoxale de deux injonctions répondant à des logiques si contraires?

La logique économique recherchant une efficience trompeuse des actions de consultants fera la promotion de référentiels pré-établis et de contrôle coercitifs imposants à tous les temps de l'intervention : contrôle gestionnaire, utilisation de référentiels rigides et promotions de livrables formatés. Rassurant à la fois le client et le consultant, cette cohabitation d'instruments répondant à des logiques opposées évacue ce qu'elle se proposait de traiter.

Pour ne donner qu'un exemple, il sera illusoire d'attendre des travailleurs une appropriation, un engagement envers des valeurs partagées qui viennent soutenir un travail qui valorise et soutient la création de compétences éthiques en les soumettant à la contrainte de projets de services obscures ou d'évaluations sommatives construites en amont par une lecture gestionnaire de l'organisation.

Pour poursuivre : http://www.reoq.ca/wp-content/themes/theme1070/doc/rapport_mai_2010.pdf