Eric Drutel

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

jeudi 07 nov. 2013

Une nouvelle revue est née !

Bonjour à tous !

Les articles relevant de l'analyse de la pratique et des médiations par les objets techniques seront mis en ligne sur une nouvelle revue, plus adaptée à ce type d'articles et surtout plus ouverte à l'échange ne serait-ce déjà par l'interface plus agréable.

Depuis septembre, vous trouvez en ligne

 "La revue de l'Analyse des Pratiques Professionnelles, Regards croisés" à cette adresse : http://www.analysedepratique.org

La revue a été fondée en 2013 par Jean Chocat, Eric Drutel, Maryline Luret-Berthon, Philippe Péaud, Patrick Robo, Marc Thiébaud et Yann Vacher.

Buts de la revue

a) apporter à des publics intéressés par l’analyse de pratiques professionnelles des outils théoriques et méthodologiques en ayant une vision multi référentielle et en développant la dynamique de formation à l’analyse de pratiques professionnelles,

b) constituer un corpus de ressources thématiques,

c) faire connaître et développer l’analyse de pratiques professionnelles dans divers milieux : Education, Santé, Travail social, Entreprises, etc.,

d) favoriser différentes utilisations, applications de l’analyse de pratiques professionnelles.

L’analyse de pratiques professionnelles renvoie à des objectifs variés qui peuvent être plus ou moins privilégiés : compréhension, construction et partage de savoirs d’action et professionnels, réflexivité, entraide entre professionnels, constitution d’équipe, aide à la réalisation de projets dans une organisation, développement du savoir analyser, etc.

Thématiques

Tout ce qui tourne autour de l’analyse de pratiques professionnelles de manière générale :

a) les références théoriques

b) les milieux professionnels et contextes d’utilisation

c) les démarches de mise en œuvre, associées à des illustrations et témoignages (animateurs, participants)

d) les défis et problèmes rencontrés tant dans la promotion, la reconnaissance et l’évaluation de l’analyse de pratiques professionnelles qu’au niveau de son éthique, de sa déontologie ainsi que de sa qualité et des compétences requises

e) liens / différenciation avec des champs proches (formation, réseaux de partage de savoir, coaching, supervision, etc.)




Types d’articles

Modalités d’analyse de pratiques professionnelles Expérience pratique Témoignage Texte de réflexion en lien avec des pratiques Texte théorique Travail de recherche Synthèse et mise en perspective Interview – échange (type forum) Compte-rendu de colloque ou de lecture Brève (infos, nouvelles)

mercredi 05 oct. 2011

Manager la diversité pour booster vos PME?

Avec une telle accroche "marketing", on ne se croirait pas sur un blog de psychologue du travail...et pourtant.

Le colloque d'hier à Grenoble, organisé par l'EM Grenoble et l'AFMD m'a interpelé. Par la présence d'intervenants de qualité qui ont su décloisonner les discours et les jargons en proposant des ouvertures à l'action collective au sein des PME/PMI : on citera les interventions de Nadia Hamadache, Bruce Roche, Jean-Luc Gaidon.

L'exposé de Nadia Hamadache replace le débat dans son contexte européen : celui de la libre circulation des membres, et donc de leur droit de vivre et travailler dans la communauté.

La consultante examine les deux modèles qui soutiennent ces actions : celui de la lutte contre la discrimination puis celui de la promotion de la diversité. Son travail s'étaye par références aux articles de Loi (Aubry '98; Directives "races et emploi"; 16 XI 2001...) et d'une critique de chacun des modèles que le législateur propose. Ainsi les auditeurs sont invités à dépasser les querelles entre les tenants "Colour Blind" et ceux de la différence "ethno-raciale". Le but étant de proposer une nouvelle approche basée sur une critique de ces modèles : hiérarchisation des critères, recréation d'identité rivales, mise en distance du droit, non remise en cause du système discriminatoire, "essentialisation" sociale. L'approche de Madame Hamadache est de définir une "invention Française de la diversité" qui articule ces deux modèles dans une approche dynamique : les approches ne s'opposent pas mais se complètent et se juxtaposent. Ainsi, selon différents temps de vie au travail, s'articulent "égalité des chances", "égalité de traitement", "diversité".

Cette voie offre de sortir d'un universalisme des théories et nous permet de d'aplanir le terrain pour tenter de construire une approche moins utopiste. Se posent alors les questions qui dérangent : quel bénéfice y a t-il à manager la diversité dans les PME/PMI de demain?

On notera que l' on retrouve cette articulation dans le label de l'AFNOR "Diversité"... en rappelant encore la difficulté, voir l'impossibilité de mesurer la diversité dans l'entreprise. Mais il s'agit là d'un autre débat.

Ce colloque se proposait donc de penser et de proposer des supports adaptés qui permettent d'appréhender le plus largement possible ce qu'est la diversité dans l'organisation du travail. On soulignera de nombreuses approches exposées : une série d'ouvrages réalisés par l'AFMD et un dispositif d'e-learning.

L'atelier proposé par Bruce Roch "Déploiement d'une politique de gestion des âges dans l'entreprise" propose de penser la diversité dans l'entreprise par le paradigme de l'âge "dans lequel tout le monde peut se reconnaitre". Rappelant que 2012 sera l'année EU du vieillissement actif au travail et dans la société, il propose comme support un ouvrage de référence édité par l'AFMD et l'EM Strasbourg sous la direction d'Emilie Bastiani Guthleber Ph.D. Cet abécédaire décode et re-contextualise le lexique du RH par une relecture qui articule définition du dictionnaire, droit, littérature, exemple de terrain et une invite "aller plus loin" qui propose de complexifier les notions proposées. Le chercheur trouvera dans les renvois de quoi apaiser son envie de dépasser premières définitions proposées.

La bonne idée prend la forme du programme d'e-learning exposé par Jean-Luc Gaidon. Ce chef d'entreprise, membre du CJD joue franc jeu et rappelle "que ça ne doit pas être la mesure de la diversité qui doit être l'objectif" et que manager la diversité est aussi une affaire d'engagement personnel du dirigeant. "Si on ne sait pas trop ce qu'est le management de la diversité", tant les formes discriminatoires peuvent être nombreuses, le manager va ainsi être aidé pour trouver ses réponses à "sa volonté de sortir des circuits traditionnels". Outre une volonté de voir la société autrement, il souligne "que la diversité est un élément différentiateur" bénéfique à la compétitivité de l'entreprise. Constatant une grande différence de maturité chez les PME/PMI, le CJD guidé par Jean-Luc Gaidon - dans le cadre d'un partenariat avec l'AFMD - construit un outil, en accès libre sur la toile pour "partir de la base", "faire des liens" et "prendre le dirigeant à rebours des représentations et solutions vers lesquelles il irait".

Cet outil, bientôt en ligne n'est pas une boite à solutions toutes prêtes mais prend réellement l'utilisateur à contre-pied lui offrant une prise de distance nécessaire pour penser sa situation. Le programme met en scène deux associés travaillant au développement de leur entreprise et confrontés à des arbitrages courants dans le travail d'un manager. Ces exemples sont issus de cas pratiques étayés recueillis par l'équipe du CJD et de l'AFMD.

Le résultat n'est pas un outil qui promeut une utopie mais aborde le management de la diversité sous une forme contingente et c'est ce qui en fait toute sa valeur : celui qui s'engage dans cette voie doit penser en terme de durabilité, de performance différée, il va donc adapter son entreprise dans le temps, faire évoluer sa structure. Suivant cette même approche contingente, ses auteurs reconnaissent qu'il y a des contextes dans lesquels la politique de la diversité est plus favorable que d'autres. C'est l'autre richesse de cet outil : de constater, de penser et à terme d'élaborer collectivement des hypothèses adaptées.

Pour conclure sur cet outil d'e-learning, le management de la diversité est une action exigeante qui impose de penser un cadre de travail strict et d'accompagner toutes les personnes de l'organisation du travail dans ce processus. C'est une démarche systémique et mature de l'entreprise qui associe les collectifs de travailleurs. Elle se construit par étapes et doit être pensée comme dynamique. Chacun des items proposés par l'interface peut remplir des mois d'interventions en psycho ou en socio du travail...

... L'intérêt de ce colloque pour des psychologues du travail ou des sociologues de travail est de proposer un terrain "moins chargé" que celui de la prévention des risques psychosociaux dans lequel il est possible de parler de prospérité de l'entreprise, de concurrence, de bénéfices en même temps que projet de société tout en évitant la pensée unique.

Avant de refermer ce billet, soulignons un document très complet "panorama des PME" du CJD qui fait le point sur ce qu'est une PME en 2011. Ouvrage réalisé par le CJD et Gilles Le Blanc.

jeudi 01 sept. 2011

Comprendre les personnes autistes

51GTUvOLcPL._SL500_AA300_.jpg

Alors que l'ANESM lance une consultation nationale sur l'autisme et les troubles envahissant du comportement, l'autisme reste une maladie très peu connue en France. Une amie ayant un fils autiste a du retourner aux USA pour avoir une prise en charge acceptable de son jeune enfant. Les publications en français sont encore rares et le vocabulaire pas encore bien "stabilisé" : Asperger, autisme de haut niveau, autisme avec handicap mental... autant de vocables dont les champs se recoupent mais qui définissent des réalités de vies très différentes pour la personne et son entourage.

La semaine dernière, j'ai du prendre des décisions importantes quant à la prise en charge d'un adulte de mon entourage supposé souffrant d'un syndrome d'Asperger. Face à ce handicap, comment comprendre ce qui est important pour la personne? comment se représente-t-elle le monde? qu'est-ce qu'elle souhaite faire de sa vie?

Si il y a un ouvrage qui peut poser les premières pierres d'un accompagnement, c'est celui de Peter Vermeulen. L'ouvrage date un peu (1999) mais l'auteur parle vrai. Au fil des pages, le lecteur comprend peu à peu les difficultés à vivre des personnes attentes d'Asperger. Bien souvent, les dons, les connaissances encyclopédiques, le langage choisi dont font usages ces personnes masquent une réalité de vivre au quotidien dans un monde violent et incompréhensible... Rien ne remplace la clinique ni l'expérience au quotidien pour saisir l'étrangeté de cette maladie et les solutions thérapeutiques n'existent pas. Ce manuel permet outre de comprendre la perception de la personne autiste mais surtout des pistes pour communiquer et rendre notre monde supportable. Leur développement dépend avant tout de nous et de notre capacité à communiquer différemment.

=======

mardi 30 août 2011

"Travailler sans les autres"

9782020983792FS.gif

Le petit bijou de ma rentrée, c'est le "Travailler sans les autres" de Danièle Linhart. Pourquoi un bijou, parce que (page 31), l'auteure déploie une nouvelle analyse des enjeux du pouvoir dans l'organisation ainsi que des divisions sociales : la thématique du don. Elle permet de situer le travailleur et son action dans une problématique plus large, dans le rapport avec la société dans son ensemble. Danièle souligne "l'ambiguité majeure de l'organisation du travail : là où la prescription vise la production d'un bien ou d'un service à valeur marchande, celui ou celle qui travaille est en fait engagé dans la production d'un monde... un mouvement dynamique à travers lequel l'individu intègre progressivement le souci de l'activité d'autrui".

Voila un coin enfoncé dans notre perception encore trop étriquée du monde du travail. Elle nous offre l'opportunité de repenser les oppositions entre métier, public/privé, par ceux qui ont encore la chance d'avoir un métier qui intègre l'activité sociale et s'y définit comme une activité du don.

mardi 14 sept. 2010

Travailler à plus de 50 ans

arbre positif

Travailler à plus de 50 ans ?

Le débat sur les retraites se referme sur une injonction à travailler plus tard et ouvre- vox populi- de nouveaux débats : Qu'est ce que la pénibilité? Qu'est ce que vieillir au travail? Quels parcours professionnels possibles? Quelles sont les représentations à l'oeuvre dans les milieux professionnels sur l'âge?

Une recente demande institutionnelle de produire une "formation-état des lieux" sur les problématiques du management des seniors dans les organisations du travail m'invite aux questionnements sur ces nouvelles problématiques liées au travail.

Pour aller droit au but, la question de l'âge pose celle fondamentale des discriminations à l'embauche et à la sécurisation des parcours professionnels. Il y a là à prendre du recul sur nos pratiques de management et à se confronter, avec courage, aux représentations stigmatisantes que nos organisations du travail construisent.

En effet, les mesures que les entreprises ou institutions peuvent prendre - adaptation des horaires, des postes de travail, sur certaines postures - sont bien souvent très efficaces et finalement peu couteuses. Nombreuses études sont disponibles qui montrent au coeur de la région Rhône Alpes des aménagements simples qui réduisent la pénibilité et renouent avec l'efficience dans des budgets raisonnables. Les modèles RSE sont disponibles et balisent efficacement le terrain.

Mais cette réponse ne nous satisfait qu'a moitié car elle ne répond pas au fond du débat et laisse cadre manager, DRH, responsables de formation au pied du mur et peu outillés pour agir.

En guise de réponse, je souhaiterai nous inviter à prendre la point de vue du travailleur et de nous poser la question des représentations que l'organisation du travail véhicule et des effets qu'elle produit sur les travailleurs.

Quels sont les messages que l'on construit quand on utilise le mot de senior? ou celui de jenior ? Quels sont les effets de la mise en place soudaine d'une série d'entretien de seconde partie de carrière?  Pour accompagner solidement les évolutions à l'intérieur de l'organisation du travail, n'y a t-il pas à tout d'abord s'outiller pour vérifier, questionner ce qui semble aller de soi?

La question de l'age dans l'organisation du travail n'est-elle pas celle de la représentation de l'Autre au travail et de la cohérence du métier avec les projets de l'entreprise ? Tous les modèles de formalisation et d'accompagnement que l'on peu trouver ont tous comme pré-recquis que ces questions soient traitées en amont.

Ainsi, il faut se confronter sans détour aux problématiques de la diversité dans l'emploi et s'engager dans une analyse de la pratique de terrain. Ces directions de changements sont les pré-requis qui redéploient, pour le bénéfice de tous, les valeurs qui unissent ages, sexes, parcours, aptitudes dans des collaborations aussi riches, inventives et efficaces que les collectifs sont hétérogènes.

mardi 29 juin 2010

De la beauté du geste ?

5 juin 2010

arbre positifPour les lecteurs de Philosophie magazine, la rédaction avait préparé ce mois - juin 2010- , un dossier sur la beauté.

J'y ai relevé, au cours d'un article, une définition sur la beauté : la beauté apparaîtrait quand l'individu est "unifié". Quand le geste et la pensée ne font plus qu'un, le mouvement ou la posture sont perçus comme beaux.

L'auteur fait un détour par la philosophie asiatique qui avait relevé ce fait depuis des siècles. Ainsi, la beauté n'est pas naturelle, de naissance mais est le fruit d'un processus en trois temps : l'unification de la pratique, l'éveil de la sensibilité, l'ouverture à la spontanéité.

A la lecture de ces lignes, je ne pouvais m'empêcher de faire le lien avec mes recherches sur la reconnaissance professionnelle et la transmission des savoir.

L'expression "la beauté du geste" n'est-elle pas celle qui qualifie le mieux la compétence d'un travailleur? Celui qui "a du métier" n'a t-il pas construit un processus qui tend à l'efficience de sa pratique? Certainement.

Mais pour nous, praticiens de l'analyse du travail, les étapes de cette construction sont les savoir qu'ils nous faut débusquer en chacun pour accompagner à l'appropriation de la pratique collective. Or, voici qu'au détour d'un article de magazine se dégage par ces quelques mots une piste.

Une piste qui demande à être parcourue pour voir ou elle mène mais en tout cas, un chemin à arpenter pour y reconnaître les étapes de l'appropriation d'une technique, d'une gestuelle en situation.

Pour être encore plus clair, on y retrouve ici le cheminement du musicien de jazz qui doit parcourir toutes les étapes avant d'arriver à l'improvisation, étape ultime du dialogue avec le public et le groupe.

Unifier sa pratique : Etablir un répertoire de gestuelles. Eveiller sa sensibilité : Ecouter les disques des anciens, capter des détails, s'essayer à la transcription S'ouvrir à la spontanéité : Vivre l'instant en mobilisant dans le même temps ressources internes, environnement et construction d'un point d'arrivé.

Revenons dans l'organisation du travail :

Yves Clot dit en résumé que tout travailleur qui arrive dans une organisation du travail est l'obligé du tradition qui le surplombe. L'apprentissage d'un milieu de travail et d'une pratique se caractérise dans un premier temps par un mouvement de l'extérieur vers l'intérieur. Par l'imitation des postures, des langages, des gestes il semble se construire une première étape d'unification de la pratique.

Puis, l'eveil de la sensibilité pourrait-être cette étape ou l'expérimentateur en "trouvaillant" de nouveaux gestes dans son apprentissage sans fin vers l'efficacité du geste, retourne vers le collectif avec de nouvelles idées. Confrontation, débats ont pour résultat une éducation, une expertise en construction. La perception du travailleur s'enrichit sans cesse de nouveaux détails sur la situation de travail.

Enfin, la spontanéité semble rejoindre les définitions de la compétence comme on peut en trouver chez E. Lecoeur pour qui la compétence est l'articulation de ressources int et ext, validées, mesurables et reproductibles dans un but déclaré.

Trois étapes, un parcours vers la beauté du geste, la reconnaissance de l'autre dans un art du faire.

Un travail décent?

4 novembre 2009

arbre positifAprès quelques semaines de désordre médiatique, le silence se fait à nouveau sur le travail et ses souffrances. Dejours a quitté les plateaux de télé et Clot les émissions de France Culture.

Le travail continue de tuer... statistiquement, le suicide au travail touche une personne par jour en France. Hier le harcèlement moral, ces derniers mois les politiques gestionnaires et demain?

J'ai entendu beaucoup de phrases choc pendant toutes ces semaines : des témoignages presque insupportables de travailleurs en souffrance et à l'autre bout, le président de FT avouer que le modèle gestionnaire avait vécu et qu'il fallait construire autre chose. Mais construire quoi?

Il me semble que l'enjeu des débats était de faire reconnaître que c'était l'organisation du travail qui était maltraitante et qu'il ne s'agissait plus de caractériser et d'aider les souffrances individuelles. C'est une grande avancée. Mais cependant, alors que le calme se fait, l'expression "travail décent" pose problème.

J'y vois là, plutôt une demande de reconnaissance professionnelle que de décence. Dans notre France de 2009, c'est bien la question de la reconnaissance qu'il s'agit plus que ce celle du travail décent.

Le travail décent est expliqué dans les pages de l'OIT : Le but fondamental de l'OIT aujourd’hui est de promouvoir l'accès des hommes et des femmes à un travail décent et productif dans des conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité humaine.» Juan Somavia, Directeur général du BIT Par ailleurs, le travail décent est expliqué en 4 points : "Le travail décent peut s’appréhender à travers quatre objectifs stratégiques: les principes et droits fondamentaux au travail et les normes internationales du travail; les possibilités d’emploi et de rémunération; la protection et la sécurité sociales; le dialogue social et le tripartisme."

On ne peut que convenir que le terme de "travail décent " est donc un peu fort et que si les syndicats communiquent la-dessus, le débat va risquer de tourner court.

A mon sens, c'est de reconnaissance au travail dont il s'agit. Une récente journée de formation que j'ai animé pour les cadres et dirigeant du secteur médico social m'a montré qu'il y avait beaucoup de confusion sur la reconnaissance. La question de la reconnaissance professionnelle n'est que peu abordée car elle renvoie à la notion de rémunération ou de promotion dans l'organisation. Ce qui n'est pas fait pour placer le débat sur des bases sereines.

Pourtant, elle peut être une voie de travail et de conduite du changement pour toute l'organisation. La question de la reconnaissance permet d'aborder la question de collectif de travail, de règles de métier, d'organisation prescrite et de santé au travail.

La question de la reconnaissance au travail permet de maintenir vivant le dialogue sur la pouvoir d'agir sur les situations de travail. Car la santé au travail n'est pas dans la construction de défenses, mais elle est dans l'expérience mûrie et partagée du péril conjuré.

Risques psychosociaux, une pathologie de la rupture?

Publié le 13 mars 2009

Le 12 Mars se tenait sur le Campus de Grenoble une journée d'information pour les psychologues et médecins de travail sur le thème des risques psychosociaux et de leur prévention.

"Risques psychosociaux, diagnostiquer pour agir"

Il me semble important à la suite de cette journée de soulever quelques points :

Tout d'abord la présence de nombreux médecins du travail et d'un représentant (ergonome) de l'Institut Syndical Européen. Leur présence témoigne de l'importance du sujet. Les risques psychosociaux inquiètent et mobilisent d'autres champs que la seule psychologie du travail.

Au delà des symboles que représentent leurs participations, leurs compte-rendus étaient édifiants : Roland Gauthy venait nous présenter la situation des problèmes psychosociaux en Europe. Des chiffres alarmants que l'orateur a parfaitement su mettre en correspondance avec les réalités culturelles et économiques de chaque pays de l'UE.

En réponse à cette avalanche de chiffres, le Docteur Philippe Davezies nous invitait à prendre position par rapport à une lecture statistique du mal au travail. Il nous invitait a considérer la rupture, le singulier, le cas, par une prise de distance par rapport à une ingénierie sociale. Une ingénierie sociale qui prend ses racines dans la pensée Positiviste, qui annonce un monde décrit par des lois générales lissant toutes les données qui s'écartent de la moyenne. Une pensée sociale qui aboutit à un paradoxe : en lissant les données on fait disparaître le singulier, c'est à dire, la plainte, l'individu en souffrance. Le problème que l'on souhaitait traiter disparaît par l'usage des outils d'analyse.

Mis en garde par leur faible corrélation avec la réalité et de leur faible utilité en terme d'action, nous pouvons tout de même considérer les chiffres donnés par Roland Gauthy. Rare sont les entreprises qui n'ont pas de sous-traitance en Europe. Ces chiffres sont donc tout à fait pertinents, pour vous, chef d'entreprise et moi, psychologue du travail français. En quelques mots, l'Europe doit faire face à deux grandes tendances : une adaptation nécessaire à de nouvelles pratiques de travail (TIC ) et une force de travail qui évolue (travailleurs migrants, population qui se féminise, beaucoup de temps partiel). Il est possible de cerner de nouveaux facteurs de risques : intensification du travail, un contenu du travail qui s'élargit et qui demande de mobiliser plus de compétences et enfin une modification du style de vie comme les trajets qui s'allongent.

Qui sont les gens les plus touchés? Les personnes travaillant dans les soins et la santé avec 34% de taux d'accident au dessus de la moyenne européenne, tout comme ceux de l'éducation. Tous deux loin devant les accidents dans le monde de la construction et de l'agriculture. Quels sont ces pathologies : les TMS touchent de 60 à 90% des travailleurs dans leur vie. Ces troubles se concentrent dans les PME (80%) des accidents et sur les jeunes (les 18/24 ans représentent 50% des accidentés).

Ces quelques chiffres sont pleins de surprises par rapport à nos représentations parfois un peu étriquées sur les réalités du monde du travail : les cols bleus savent mieux se prémunir de la souffrance au travail!

Y a t-il alors quelque chose qui se construit dans les milieux les moins pathogènes et qui protègent le travailleur des risques psychosociaux? Il nous est permis de répondre par l'affirmative.

En découvrant les nombreuses interventions des participants (dans les domaines des métiers de service, de la police, des plates formes téléphoniques) et les solutions mises en place, il est possible de définir des leviers pour agir sur les troubles psychosociaux au travail.

Tout d'abord et fondamentalement la prise en compte d'un milieu de travail, d'une situation complexe. C'est la raison pour laquelle je ne vais pas vous proposer une liste d'outils mais quelques orientations.

Un chiffre est remarquable dans le travail de M. Gauthy : 50% des jeunes ont plus de risques que les anciens.

Ce qui veut dire qu'il y a "un quelque chose" qui se construit par l'expérience et qui garantit une certaine santé au travail.

Alors, encore une fois dans ce blog, posons-nous la questions de l'expérience, des apports de l'expérience dans son rapport au métier, de l'activité, du pouvoir d'agir.

La solution semble là, la santé au travail semble préservée lorsqu'il est possible de mettre en place des possibilités de mobiliser un pouvoir d'agir individuel/collectif sur les conditions de travail. Le terme de pouvoir d'agir peut faire peur : on peut y lire lutte syndicale, révolutions diverses, augmentation de l'incertitude, rejet des méthodes de management...

Nous parlons plutôt de reconnaissance dans le beau et le geste utile. D'une recherche collective de l'efficience et la reconnaissance de l'apport de chacun dans cette optimisation. Il s'agit aussi de mettre en place des moyens d'anticiper des situations à risque et de se prémunir contre les effets du stress.

Ainsi, les nombreux témoignages d'actions sur le terrain présentées par les intervenants montrent que les risques psychosociaux sont, à mon sens, une pathologie de la rupture. Une rupture des liens ( communications, héritages, façons de faire, gestuelles professionnelle) entre le travailleur, le métier et l'organisation. C'est le bon geste, la bonne posture qui préserve. Cette posture n'est pas une injonction, un prescrit mais la mise en acte d'une pensée unifiée. On pourra trouver les fonctions réparatrices dans les travaux de François Roustang...

Ainsi les jeunes policiers en intervention se retrouvent exposés sans la ressource des anciens qui ont eux, à leur disposition, l'héritage de postures qui leur permettent d'éviter la violence et de gérer leur peur. Les téléacteurs de plate-forme téléphonique, en suivant leur scripts sur écran sont coupés de leur propres ressources langagières pour mobiliser leur expérience de la vente et de leur affectivité pour moduler la transaction. Les cadres n'ont que peu de solidarités et d'échanges pour apprendre leur métier et le sens de leur mission qui est de protéger et valoriser leurs équipes. Privés de l'expérience de leur pairs ils ne peuvent jouer leur rôle...

Tous les acteurs invités se jour là traçaient le même chemin : celui d'entrer dans un monde de conflits. Renouer le lien s'est permettre la controverse de métier. C'est le débat social qui permet la santé. La construction de l'expérience, même à l'échelle de l'organisation passe par des phases de crises, d'essais. Ce qui est important dans la débat c'est qu'il rassemble plus qu'il ne sépare. Elle construit la reconnaissance de l'autre en tant que "contributeur" au bien être commun ce qui ouvre bien des voies d'intégration.

La réponse à la problématique des risques psychosociaux est pleine de surprises : Elle apparaît comme une souffrance individuelle pourtant la solution est dans l'activité collective . A la culture du chiffre qui recherche le rendement apparaît la nécessité d'une culture de métier qui recherche l'efficience.

La souffrance d'un seul témoigne donc du mal de l'organisation.

Face aux risques psychosociaux, les entreprises sont donc pleines de ressources! Tout est là, à disposition du manager, des RH, des CHSCT pour se prémunir et anticiper dépressions, stress, abandon de la motivation etc etc...

Les psychologues du travail proposent 1000 façons de re-tisser des liens pour maintenir vivant une controverse de métier, un débat social portés par l'amour du métier et la reconnaissance de soi et des autres dans le beau et l'utile.