10 octobre 2009
Est-ce la pensée gestionnaire qui continue son travail de sape de l'humain au profit des chiffres ou la méconnaissance totale de ce qu'est un test qui conduit à toutes les dérives?
Dans notre monde du conseil, nombre de formateurs dégainent maintenant toutes sortes de tests. C'est devenu l'usage, comme une certaine image de marque. Et comme on passe de la psychométrie au marketing, tout le monde y va de son coup de photocopieuse, de son logo et du rajout de quelques questions en plus pour faire sérieux.
Ca fait classe mais c'est bidon et peut-être dangereux...
Dans cette offre, se pose t-on un instant la question de l'usager? et de notre rapport à la personne que l'on doit accompagner? Dans quel dispositif d'accompagnement mobilise t-on le test?
Avant même de proposer le test, il faudrait pouvoir répondre à certaines questions:
Qu'est ce qu'avoir recours à un test veut dire? Pour nous? Pour le sujet que l'on accompagne? Quel genre de service rend-on à la personne avec un test? Savons-vous ce que mesurent les tests que l'on propose? Sur quoi sont-ils étalonnés? Les avons-nous étalonnés nous-mêmes? Quelle est la population de référence? Dans quel cadre allons-nous faire la passation? Quel est l'état de stress de la personne? Lui avons-nous expliqué ce qu'est un test et particulièrement celui là? A t-elle bien compris la consigne? Comment va t-elle vivre les résultats du test? Est-ce l'occasion d'un dialogue ou lui remettons-nous un résultat informatisé?
On a vu il y a peu, un consultant déclarer à une personne qu'elle était comme ceci, qu'elle avait tel profil après l'examen d'un petit test qui la plaçait dans une situation donnée. "Vous avez agi comme cela, vous êtes tel type de personnalité".
Par quelle magie le consultant peut-il sonder les âmes?
Par ce blog je souhaite simplement faire le point sur les tests et poser mon cadre. C'est dans ce champ là que pour moi l'utilisation d'un test est possible.
Je me représente tout d'abord les tests à la croisée de la biologie et de la statistique. On essaie de rendre compte de quelque chose de l'agencement du psychique-biologique et de le confronter à des échantillons.
Les tests se divisent basiquement en 2 catégories : les tests d'aptitudes et les inventaires de personnalité. Les uns mesurent par rapport à un échantillon normé : âge, études, sexe etc ... les aptitudes de la personne (langage, logique, lecture) par rapport à la moyenne des personnes qui constituent l'échantillon. Les autres sont de l'ordre de l'appréciation de la personnalité.
Les inventaires de personnalité tentent d'évaluer le type d'action d'une personne dans une situation donnée.On essaie par une série d'inférences de déterminer quel types de réactions peut avoir une personne par rapport à une stimulation donnée. Ce n'est que l'organisation dynamique des réactions et leurs forces qui constituent un élément probant de la personnalité d'un individu.
De ce constat, j'en dégage des implications pour le praticien. Un test ne peut s'envisager sans annoncer clairement la référence et ce qu'il est sensé mesurer.
Aux apprentis sorciers donc d' ajouter des questions à votre test photocopié maison. Mais vous devez constituer un échantillon de personnes puis confronter le test à un autre test qui est sensé mesuré la même chose et apprécier les écarts. Enfin, je vous conseille une étude de stabilité dans le temps, disons, une vingtaine d'années. Bonjour le travail...
En posant le cadre, on peut comprendre alors que l'on mesure des données stables dans le temps ainsi qu' une force de l'expression de la réaction par rapport à un échantillon.
Mais que l'on ne peut pas en déduire avec certitude l'agir de la personne en situation donnée. Nous ne savons rien de sa compréhension d'une situation donnée. Le test seul à ses limites.
Par contre, il est possible de prendre en compte la force du trait et sa synergie avec les autres traits. Car plus le trait sera fort, plus la personne aura tendance à réagir de manière systématique quelque soit la situation... ou certains peuvent venir en pondérer d'autres.
Voici le schéma : il y a un trait qui s'exprime plus ou moins fortement et une situation donnée. De cette confrontation résulte un état affectif et cognitif (comment on pense et l'on ressent la situation). De cet état résulte une conduite adaptative.
Vous constatez alors que la situation simpliste du test cité plus haut se complexifie... les traits ne sont pas la conduite! Il s'agit toujours d'un triptyque : cognitions, émotions, actions.
Alors à quoi ça sert?
A se regarder dans un miroir fait de multitudes anonymes. C'est un peu comme la définition d'un appareil photo qui ferait une image de soi. Plus le nombre de pixel est grand, plus l'image semble juste. Mais est-ce une image juste ou juste une image? En tout cas c'est déjà pas si mal d'avoir quelque chose, de pouvoir se situer par rapport à la masse des gens, par rapport à une moyenne. Une moyenne et une norme qui ne sont en aucun cas une vérité.
Ai-je les aptitudes pour tel emploi? Comment suis-je perçu? les réponses ne peuvent qu'être formulées en rapport à l'échantillon. La réponse sera alors : dans la grande majorité des cas, les gens qui occupent tel type d'emploi répondent statistiquement à certaines aptitudes, ou, la majorité des gens ayant ce trait sont perçus comme étant ...
Pour le psychologue, le test fournit de précieuses pistes à parcourir avec la personne. Les résultats sont prétexte à penser le rapport au monde, à l'emploi... voire à alerter si des traits, des profils, des aptitudes sont hors normes. Elles peuvent être une ressources ou déceler un handicap.
Les test sont un outil précieux pour le praticien qui les comprend et sait les interpréter. Ils ne sont jamais sans effets pour celui qui passe cette épreuve. Un test est une épreuve fatigante. La restitution est une étape délicate où un mot peu heurter ou affaiblir.
Notre travail est toujours de dégager du pouvoir d'agir pas de stigmatiser. Ce qui restreint le champ et le nombre des utilisateurs des tests... mais à chacun son métier.
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ps: en se moment je bosse un livre magnifique :
Rouzel, J. (2005). La pratique des écrits professionnels en éducation spécialisée. Paris : Dunod.
Achetez le, c'est la rentrée les rayons sont pleins. Il vous servira toute l'année.